Crozets et casarecce en direct des Férices

Sat’info vous emmène déguster les Délices des Férices. Ce GAEC familial est situé dans la partie savoyarde du massif de Belledonne, sous la montagne du même nom. Sa grande spécificité est de produire les céréales qui permettront la confection, à petite échelle, de spécialités traditionnelles : crozets, casarecce et pain d’épices.

Dans la famille Turchet, je demande le père, Philippe, apiculteur de cœur et de métier que Sat’info vous a déjà présenté en… 1999. Philippe était déjà installé à Arvillard, village qui l’a vu naître. En 2023, après 45 ans d’apiculture passionnée, Philippe vient de céder ses 280 ruches. Il cultive toujours une dizaine d’hectares de blé et de sarrasin bio, qu’il sème en alternance. Un moulin coopératif les transforme en farine. La sélection de variétés « pas communes » lui a demandé des années d’expérimentations. Dans les champs, ces différents blés adaptés aux sols montagneux se mélangent et se protègent mutuellement, leur diversité limitant le développement des maladies.

Dans la famille Turchet toujours, je demande la mère, Sylvie, qui prépare chaque matin pain d’épices, cakes et cookies, tandis que la fille, Ophélie, travaille avec son père à la fabrication des crozets et des casarecce.

Le pain d’épices à l’ancienne de Sylvie est un délice. Le blé de la ferme moulu en farine est mélangé à des épices bio et du miel local. La pâte fermente tranquillement pendant 24h avant la cuisson. Les enzymes contenues dans le miel ont travaillé l’amidon de la farine. Le résultat est aussi moelleux que digeste.

Les fabricants industriels de pâtes utilisent de la farine de blé dur, qui permet d’obtenir des pâtes standard, bien jaunes, de qualité… standard. Légalement, on ne peut pas appeler une pâte une pâte si elle n’est pas à base de blé dur. Or la famille Turchet a opté pour une sélection de variétés anciennes de blés tendres. Ils ne fabriquent donc pas des pâtes, mais c’est comme si.

Sylvie descend tout droit d’une lignée de Siciliennes qui faisaient sécher leurs spaghettis au soleil de la Méditerranée. Voilà pour l’inspiration. Philippe est connecté à la terre, attentif à chaque semis, chaque récolte, chaque mouture. Ses blés sont beaucoup moins protéiques que le blé dur et leur gluten est moins fort. Pour compenser, il suffit d’ajouter des œufs. Il convient aussi d’ajuster la recette à chaque mouture, chaque jour. Voilà pour le ressenti.

Les casarecce

Sylvie nous raconte la Sicile et les Siciliens qui fabriquaient des pâtes à la maison (casereccio signifie « fait maison ») en les roulant sur le genou. Les casarecche ont une forme torsadée et incurvée aux extrémités, ce qui leur permet de bien accrocher la sauce.

Pour les préparer, Philippe et Ophélie mélangent la farine et les œufs en ajustant les proportions en fonction de la farine et de l’humidité ambiante. Placée en haut de la machine, la pâte est poussée par une vis sans fin puis coupée et expulsée en forme de casarecce. Lorsque le ballet démarre, le matin, on ne peut pas l’arrêter avant que toute la pâte soit passée à travers la machine. Des heures durant, Ophélie et Philippe dansent autour de leurs plateaux. Les restes de pâte qui collent au fond de la machine sont soigneusement récupérés : ils viendront nourrir les champs de blé !

Si la plupart des industriels ont recours à une méthode de déshydratation sous vide aussi pratique qu’expéditive, les Turchet optent au contraire pour le séchage lent à basse température (moins de 48 °C). Quatorze à dix-huit heures sont nécessaires préserver les nutriments des céréales et garantir une qualité gustative optimale. La couleur des casarecce s’assombrit tout doucement.

Les casarecce des Férices contiennent encore le germe du blé et doivent de ce fait être entreposés loin d’une source de chaleur, pour respecter la fragilité de ce dernier.

Comment préparer les casarecce ? On les cuit 8 minutes dans une eau bouillante salée. Ils sont particulièrement savoureux servis avec une sauce, riche ou légère.

Les casarecce des Férices sont disponibles au rayon vrac.

Les crozets

Les crozets sont des petites pâtes carrées typiquement savoyardes. Les pastas à la mode transalpine s’avérant beaucoup trop volumineuses pour la besace de leurs bergers d’alpage, les Savoyards se sont mis à fabriquer ces « petites pâtes » ( « crozets » en patois local) compactes et longue conservation. Historiquement, ils sont confectionnés avec du sarrasin, qui pousse plus volontiers que le blé sur les pentes mauriennaises, territoire frontière entre France et Italie. On les sert en croziflette ou en gratin avec une dose nécessaire et suffisante de crème et de fromage. Ils font le délice des touristes tout autant que des gens du pays pendant la saison froide. Mais pas seulement : on les déguste toute l’année, en salade, en sauce ou gratinés. La Savoie a fait des crozets un marqueur de son terroir, et donc une industrie. Mais les crozets des Férices, c’est une tout autre histoire !
La fabrication des crozets est physique. Philippe et Ophélie s’activent autour des lourdes machines qui pétrissent la pâte et l’entrainent au travers d’un moule de bronze jusqu’au panier de séchage. Pour que le crozet attrape bien la sauce, sa surface doit être riflée, c’est le contraire de lisse. Un crozet lisse « ne vit pas » dans l’assiette, ce qui est bien dommage !

Les crozets des Délices des Férices existent en quatre versions : nature (100% blé), sarrasin (25%), châtaigne (20%) et cèpes (5% de cèpes séchés Arcadie). Les crozets nature et sarrasin sont également disponibles en vrac.

Comment préparer les crozets ? Ils cuisent à l’eau une vingtaine de minutes. Ils se dégustent aussi bien chauds que froids, comme des pâtes. Sylvie nous donne un conseil d’amie, que je suivrais si j’étais vous : laisser égoutter les crozets pendant une bonne heure permet d’éliminer complètement l’eau de cuisson et de leur faire « prendre » beaucoup mieux la sauce. On peut même ajouter de la crème et du fromage et laisser reposer le tout au réfrigérateur le temps d’une bonne nuit réparatrice. Un passage au four le lendemain donnera le plus succulent des gratins.