Kaoka, « planteur de chocolat » !

Décryptage à Sao Tomé

Sao Tomé est une toute petite île africaine située dans le golfe de Guinée. Longtemps sous le joug de la colonisation portugaise, elle a acquis son indépendance en 1975. Ses 180 000 habitants vivent aujourd’hui pauvrement d’une pêche qui se fait rare, d’un peu d’agriculture et d’un tourisme embryonnaire que de beaux paysages dans le sud permettent d’imaginer à un autre niveau, un jour peut-être… Pour l’instant, pas un feu rouge, pas un distributeur bancaire sur l’ile.

Sao Tomé a longtemps été un gros producteur de cacao. C’est d’ailleurs sur cette île que la fève a fait sa première apparition en Afrique. Elle quittait l’Amérique du Sud et se préparait ainsi, lentement mais sûrement, à inonder le commerce mondial. Mais l’exportation du cacao s’est effondrée à Sao Tomé au cours du XXe siècle, laissant les producteurs se débrouiller dans des conditions difficiles avec des arbres mal en point, des moyens et un savoir-faire à la baisse. L’île vit depuis sous perfusion d’aides internationales, et les solutions de redressement répertoriées n’étaient pas franchement nombreuses avant le XXIe siècle.

Le point technique, dans une communauté de producteurs.

Kaoka, « planteur de chocolat », comme l’entreprise française aime à se définir, a repéré le potentiel oublié de la culture du cacao sur cette terre. Mais un potentiel ne se transforme pas en réussite par simple décret. Il faut une véritable expertise technique, un projet agricole et une forte volonté de structurer socialement pour y parvenir. Petit à petit, la force de conviction de ses dirigeants, l’énorme travail des cadres locaux et une très belle adhésion des agriculteurs ont permis de belles évolutions. C’est cette transformation que nous allons brièvement vous conter après avoir passé quatre jours sur place et visité une quinzaine de communautés de producteurs. Mais commençons par évoquer le problème.

Partout dans le monde, les cacaoyers vieillissent. Partout dans le monde, les ingénieurs agricoles, pilotés par les semenciers et fabricants de pesticides qui les accompagnent, n’ont d’autre solution à apporter que de les arracher. On les arrache donc, pour les remplacer par des variétés hybrides de faible qualité qui pousseront en plein soleil et à grands coups d’engrais, loin de la si belle diversité forestière et des ombrages qui sont le cadre originel de ce type de culture. Kaoka propose des techniques qui sont l’opposé de ces funestes méthodes et rendent leur grandeur aux cacaoyers, en respectant leur environnement. L’idée est de sélectionner les meilleures variétés, de les multiplier, puis de les replanter sous couvert forestier ou de greffer les arbres qui le méritent. On évite ainsi d’attendre de trop longues années avant que ces derniers soient productifs. Et ça paye, aussi bien en Equateur qu’au Pérou ou ici. La technique est au point, les agriculteurs adhèrent – il faut prendre le temps de les convaincre- le cacao gagne en qualité, la productivité augmente et les forêts se renouvellent magnifiquement. C’est particulièrement impressionnant à Sao Tomé. Nous avons vu un producteur emblématique qui a doublé ses récoltes en quelques années, dans un environnement très ombragé où cohabitent harmonieusement cacaoyers, bananiers, avocatiers, arbres à pain, jacquiers mais aussi plans de poivres et de vanille… D’autres parcelles sont moins diversifiées mais tous les producteurs sont désormais riches d’un savoir-faire en agroforesterie qu’ils sont fiers de porter, conscients des bénéfices écologiques que leur mode de culture induit, confiants en la qualité des fèves qui en découlent. Tous croient en l’avenir et se donnent les moyens de la réussite.

Les agriculteurs sont structurés en 35 communautés, elles-mêmes regroupées en une coopérative cogérée, la CECAB, qui les accompagne au quotidien dans d’autres domaines que l’agriculture. Car outre les revenus qui s’accroissent, la qualité des soins, l’éducation, la prévention progressent. Plus de deux mille familles voient ainsi leur niveau social s’améliorer de mois en mois. Beaucoup de communautés trouvent l’harmonie, d’autres les suivront.

A l’occasion des trajets nous menant d’une communauté à l’autre, nous avons pu observer des producteurs qui n’ont pas rejoint ce système solidaire. Ils sont assis sur le bord de la route, leur maigre production dans un panier en osier, et attendent qu’un hypothétique acheteur veuille bien jeter un œil sur leurs fèves et les échanger contre quelques billets, rejetant ainsi l’urgence d’un gain quotidien au lendemain. Et l’on mesure toute la différence qu’il y a entre une production qui s’articule autour d’une démarche solidaire, celle de Kaoka, et une autre qui utilise les laissés pour compte d’un type de commerce qui ne cesse d’accabler les faibles.

Idyllique, le système que vous rapporte votre messager ? Non, parce que pauvreté et misère sont parfois encore là. Mais plus que positif, parce qu’elles régressent indéniablement. La solution est bien dans ces filières bio, coopératives et solidaires, la preuve par l’exemple.

Ce soir, nous sommes invités à la fête de la CECAB. Une famille de producteurs nous reçoit. Puis un groupe joue, avec le matériel que met à disposition la coopérative. L’excellent guitariste n’est autre que le souriant producteur avec lequel nous avions passé la matinée dans les plantations, la veille. Chaud au cœur.

Le cacao de Sao Tomé est réputé pour son fruité et son équilibre. Le chocolat que propose Kaoka est peu amer, plutôt fondant. C’est un véritable chocolat d’amateur, accessible à tout le monde. Tablettes 75% cacao, noir noisettes, noir cranberries, sachet palets 66% cacao.

JM

 

La culture du cacao, en pleine forêt.

 

La cabosse ouverte, on aperçoit les fèves enrobées de leur mucilage.

 

Les fèves fermentent sous des feuilles de bananier.

 

Durant la première phase de séchage, les fèves de cacao doivent être retournées toutes les heures.