Le goût et les couleurs

Orange Moro “sanguine” prenant des couleurs

Voici que ressurgissent, avec l’arrivée des oranges tardives, des questionnements bien légitimes quant aux couleurs que devraient présenter les fruits et légumes à point. Petit rappel, relié plus spécialement à ces fameuses oranges prétendues sanguines qui ne jouent pas le jeu, avec leur pulpe… toute blonde. Explications :

Nous, gentils consommateurs et vilains marchands, avons choisi un caractère particulier, entre tous ceux que présentent quelques variétés d’oranges tardives, et l’avons imposé en tant que signe distinctif. Les variétés Moro et Tarocco sont ainsi devenues des sanguines, un point c’est tout. Pourtant, l’aspect “sanguin“ est loin d’être natif : il est le résultat de l’éventuelle et forte présence d’un pigment naturel, l’anthocyanine, qui va donner à la pulpe mais également à l’écorce des teintes allant de l’orange foncé au violet-myrtille. Sinon, notre Moro ressemblera à s’y méprendre à une Navellina ou une Valencia. Les évolutions se font comme toujours dans la nature, au gré du temps, de l’exposition, des températures, et d’autres facteurs que découvrent parfois sur le terrain ceux qui les cultivent. Ainsi, les oranges Moro que vous connaissez bien n’offrent souvent que de rares filaments colorés mi-janvier, pour se teinter plus fortement quelques semaines plus tard.

 

Désolé, m’objectez-vous, mais j’ai toujours trouvé une pulpe rouge lors de mes achats ailleurs !

Orange Moro du rameau d’à côté, s’obstinant à rester blonde

 

Je ne mets pas en doute, mais cela signifie que ces oranges n’ont été sélectionnées que sur ce critère et rejetées si elles ne le possédaient pas, ce que nous nous refusons de faire. La vraie typicité de la Moro (et plus encore de la Tarocco) est sa douceur due à une très faible acidité, un peu comme pour la pomme Golden par rapport à ses cousines bicolores. Certains lui trouvent également des arômes de fruits rouges…

De façon plus générale, il faut se souvenir que les teintes des fruits et légumes évoluent au gré des transformations de leurs pigments, et que ces changements ne sont pas toujours synchronisés avec la venue à maturité, même si les phénomènes se suivent. Au début, tout est chlorophylle puis au gré du soleil, de la fraîcheur des petits matins et du temps, le vert laisse sa place… Le marketing omniprésent, allergique aux nuances, impose pour tout une couleur “correcte“ quitte à mettre en place des traitements ou ajouts pour y parvenir. Les fruits et légumes n’en sont pas exempts, heureusement pas (toujours) en bio.

 

Alain Poulet