Ce qui n’était il y a quelques années qu’une graine rustique et délaissée s’impose aujourd’hui comme une céréale très prisée. Plus que ça même : le débat sur la qualité des blés faisant rage, toute graine proche et d’un usage culinaire comparable se trouve derechef livrée à l’attente démesurée d’un vaste public majoritairement composé d’intolérants alimentaires ne sachant plus dans quel pain il faut mordre. On les comprend.
On ne s’arrêtera pourtant pas sur cet unique aspect pour approcher l’épi. Comme si la réponse à une intolérance par le choix d’autres graines n’était qu’un épisode de plus dans un feuilleton qui n’en finit pas de tourner autour du pot.
Le petit épeautre à la place du blé ? Il est bien plus que ça. Prenons-le comme une belle histoire, qui mérite d’être contée.
Notre épeautre est donc petit. De Provence, la Haute. Là où elle est peut-être la plus belle parce que moins facile, moins convoitée, plus respectée. Etienne Mabille y cultive en famille. Calme et posé, ses réponses à nos questions sont toujours mesurées. C’est pourtant un sacré bagarreur, et le Petit Epeautre de Haute Provence lui doit aujourd’hui beaucoup.
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Une longue histoire
Mévouillon, juillet 2006
Salut Etienne ! Le petit épeautre que tu cultives est dit de « Haute Provence ». En serait-il originaire ?
Non, il provient du croissant fertile, Turquie, Irak… C’est une des premières graminées à avoir été consommée par l’homme, au même titre que l’orge. On remonte là aux origines de l’agriculture, il y a 10 000 ans… Sa culture s’est répandue par la suite sur tout le pourtour méditerranéen, plutôt dans les régions montagneuses et sèches, conformément à son origine. Le blé, lui, a été introduit plus tard dans les plaines fertiles par les Romains. Ce même blé ne poussant pas bien dans les régions montagneuses, sur sols pauvres et sous climat dur, le petit épeautre y est resté…
On parle plus souvent du kamut que de l’épeautre comme étant le blé originel…
Le kamut est un mot que les américains se sont approprié pour désigner une variété antique de blé. Le petit épeautre, lui, n’est pas un blé. Il s’agit du » triticum monococcum « , que l’on appelle aussi Engrain.
Trouve-t-on çà et là quelques traces de son existence ?
Il y a l’histoire d’Otzi, ce guerrier que l’on a retrouvé momifié dans un glacier des Dolomites, entre Italie et Autriche. Il vivait il y a 5 300 ans et on a découvert qu’il venait de consommer, avant d’être abattu, une céréale qu’il avait encore dans l’estomac et que les chercheurs n’arrivaient pas à identifier. Ils ont fait des recherches et ont retrouvé cette graine, le petit épeautre, dans le Sud de l’Italie, où il est cultivé comme plante fourragère. Puis ils ont prospecté pour essayer de le localiser dans le monde entier, en Irak, au Maroc… Ils nous ont contacté, et nous ont fait part de leur travail.
La longue histoire du petit épeautre lui confère-t-elle des caractéristiques précises ?
Il est tel qu’il était il y a dix mille ans, ce qui lui assure sa stabilité : on sait qu’il n’a pas été croisé sans arrêt, hybridé, cloné… Les céréales qui le sont peuvent avoir certaines caractéristiques qui les mettent à l’abri de telle maladie ou de tel ravageur à une époque, mais qui peuvent être fragilisantes pour une autre… En n’ayant jamais été modifié, le petit épeautre a fait ses preuves sur la durée.
On n’entendait pas beaucoup parler de lui il y a quelques années…
En Haute Provence, il n’était produit que pour les populations locales, pour la survie des familles. Chacun en faisait 200 ou 300 kilos, pour l’année. De petits moulins le décortiquaient, au bord des rivières… Bien entendu, le petit épeautre a fini par disparaître avec l’arrivée des supermarchés et de la nourriture à profusion, sauf chez quelques irréductibles : parmi eux, Aimé Foucou et René Liardet qui avaient continué à en faire pour eux, comme ils cultivaient aussi la variété locale de pois chiches…
À combien s’élevait le nombre de parcelles qui en produisaient à l’époque ?
Elles représentaient peut-être une surface de vingt ou trente hectares, sur toute la région…
Culture et décorticage
On voit autour de nous le petit épeautre pousser sur des terrains étonnamment caillouteux…
C’est une plante qui s’acclimate sur des sols pauvres… Mais elle » rince » les sols, qui après une année de cultures se retrouvent encore plus pauvres ! Il suffit qu’on en cultive deux années de suite sur une même parcelle pour qu’apparaissent des problèmes agronomiques. Pour avoir l’appellation Petit Épeautre de Haute Provence, notre cahier des charges exige que toute culture du petit épeautre soit suivie sur la même parcelle de deux ou trois années d’autres cultures : pois chiches, lentilles, lavande, etc…
Une telle résistance à la sécheresse ne donne-telle pas des idées à certains en vue de croisements ?
On ne sait pas trop à quoi est due cette résistance… Certains instituts étudient ses gènes, pour essayer de les récupérer et de trouver des solutions aux attaques de pucerons ou autres sur d’autres productions céréalières…
Quels sont les rendements sur le petit épeautre ?
Une moyenne de dix quintaux de produit fini à l’hectare*. On en perd près de 40 % au décorticage, vraiment pas facile : il faut se séparer de la balle, et accepter qu’un bon nombre de grains se brisent lors de cette opération… Ces faibles quantités expliquent la concurrence des autres régions sur notre produit, qui obtiennent des grains plus gros, sur des sols où les rendements sont bien meilleurs…
* Pour le blé bio, comptez de 30 à 60 quintaux à l’hectare. En conventionnel, jusqu’à 110 quintaux… Le blé est alors carrément sous perfusion. Ne nous étonnons pas de la recrudescence d’allergies…
Le petit épeautre peut donc être cultivé en plaine ?
Nous le considérons comme une production traditionnelle de montagne. Notre cahier des charges impose une culture au-dessus de 400 mètres. Ici, nous sommes à 900. Il s’en produit pourtant ailleurs, en Bourgogne et en Auvergne, tout comme en Autriche. Je connais peu ces productions. Les rendements étant supérieurs, le grain obtenu est bien sûr moins cher. Nous allons travailler prochainement à comparer le goût et la valeur nutritionnelle de chacune de ces provenances, afin de mieux mettre en évidence les spécificités du Petit Épeautre de Haute Provence.
Quelques mots sur les pratiques culturales, ici ?
On sème début septembre, lorsque la terre est chaude. Il suffit alors d’une petite pluie pour que la germination démarre, et là, tout va très vite, c’est magique… Il faut que les semis soient installés avant novembre, période à laquelle le froid tombe tout d’un coup : souvent direct à moins quinze… Ce qu’il faut retenir au bout du compte, c’est que le petit épeautre reste onze mois en terre. Un blé, guère plus de neuf.
Des engrais ?
Les fumures sont très limitées, grâce aux rotations que l’on pratique. On peut rajouter du phosphore organique, sous forme de farine d’arêtes de poisson, et un peu de farine de plume ou de compost, pour l’azote.
Comment les générations précédentes le travaillaient-elles ?
Ils étaient confrontés à une grosse difficulté : il est délicat de décortiquer le petit épeautre sans trop endommager le grain. On appelle le petit épeautre » triticum monococcum « , parce qu’il y a un grain par coque. Et ce grain est bien attaché à son enveloppe, la balle. Historiquement, les anciens le décortiquaient à la meule de pierre, ce qui leur permettait d’obtenir dix à quinze kilos de grain… à l’heure ! Et ce, jusque dans les années quatre-vingt. Pour le développer, il a donc fallu changer cette méthode, qui n’était adaptée qu’à une consommation personnelle. J’ai pour ma part trouvé un système qui permet de ne pas trop abraser le grain entier, sachant que d’autres systèmes ont tendance à le blanchir, à le » monder « . Les anciens le consommaient d’ailleurs plutôt ainsi, blanchi, en soupe épaisse, pâteuse…
C’est le monde à l’envers ! La modernité entraîne souvent le blanchiment des céréales, leur raffinage. Pour l’épeautre, c’est donc le contraire… Alors, complet ou mondé ?
Je ne le vois pas comme si l’un excluait l’autre… les deux sont intéressants !
Le décorticage, si difficile, se fait-il directement après la récolte ?
Non, il se fait à la demande, lorsque la vente est prévue. Notre cahier des charges nous oblige à ne pas dépasser six mois entre le décorticage et la commercialisation. La date limite de consommation du produit en magasin, c’est autre chose : elle est de dix-huit mois, après que les grains aient été mis en paquet.
Il y a aujourd’hui un engouement autour du petit épeautre qui lui est favorable, depuis une dizaine d’années. Juste avant cette période, où le trouvait-on ?
En Irak ?… Pratiquement pas en France, à part peut-être quelques parcelles en Lozère, en Ardèche et dans les basses Alpes, dans l’arrière-pays niçois. Mais le seul endroit où les moulins ne se sont jamais arrêtés de tourner, c’est ici…
La renaissance
Qu’est-ce qui a donc fait que des gens se sont intéressés au petit épeautre et ont eu envie de le faire revivre, alors qu’il est si difficile à produire ?
Pour ma part, j’ai commencé à cause du goût, et par curiosité… Au début, je le faisais décortiquer, puis je me suis penché sur la question, puisque tout ce qui est mécanique m’intéresse… On a alors rencontré le Moulin Pichard et par la suite Priméal, à la foire bio de Montfroc : ce sont les deux premiers intervenants à avoir été intéressés par ce produit… D’autres producteurs se sont mis en bio, on leur a fourni des semences : ça a évolué doucement, entre producteurs, décortiqueurs, meuniers, distributeurs…
Nous sommes donc dans les années 90, et il a fallu vendre une céréale que le public ne connaissait pas. Comment cela s’est-il passé ?
À l’époque, les consommateurs bio étaient tous très militants : ceux de Nature et Progrès, des salons de Rouffach, Marjolaine… Quand il y avait un produit qui sortait dans ce milieu, beaucoup de gens s’y intéressaient. Le tam-tam faisait son boulot…
A-t-on avancé des arguments nutritionnels pour le faire connaître ?
Les premiers consommateurs étaient attirés par cette céréale complète, un produit de terroir, riche en nutriments, protéines et minéraux. Puis quelques scientifiques s’y sont intéressés. Ils ont trouvé qu’il s’agit de la seule graminée contenant tous les acides aminés essentiels. Le petit épeautre est très riche en fibres, digeste, avec des taux de 12 à 14 % de protéines, du magnésium… Sainte Hildegarde le conseillait d’ailleurs aux gens nerveux, afin qu’ils retrouvent un équilibre… Le fait qu’il ait traversé les ans sans être trafiqué intéressait aussi des personnes qui commençaient à être soucieuses de trouver une alternative au blé. Et puis il y a le goût : le blé cuisiné reste ferme. Le petit épeautre a cet aspect fondant en bouche et un peu sucré, qui plaît beaucoup…
C’est donc toi qui as eu l’idée de mieux le faire connaître et de le sortir de sa mort quasi programmée ?
On a été cinq ou six à avoir cette volonté. Mais l’idée du groupement du syndicat de producteurs, je l’ai eu par la suite avec un copain de Sainte-Jalle. C’était à une époque où un industriel a voulu récupérer l’opportunité de faire du petit épeautre, avec bien sûr le soutien de quelques politiques et les financements qui vont avec… Ils ont inondé le marché en mélangeant tout, le bio et le pas bio, juste au moment où nous commencions à sortir la tête de l’eau… Il nous fallait donc nous protéger, et nous avons eu l’idée de créer une AOC*. Ce qu’on nous a déconseillé : en choisissant une certification européenne, l’IGP*, on allait plus loin dans la protection.
*Appellation d’Origine Contrôlée *Indication Géographique Protégée
Quels ont été les critères géographiques pour délimiter la zone officielle de production ?
On s’est basé sur la carte des moulins qui le décortiquaient, autrefois. C’est ce qui nous a servi de repère, mais également de preuve de l’antériorité de ce produit dans la région. La zone regroupe des parcelles dans le 04 (Alpes de Haute Provence), 05 (Hautes Alpes), 26 (Drôme) et le 84 (Vaucluse)
Obtenir le label n’a donc été qu’une simple formalité !
Pas vraiment… Malgré la vocation européenne de cette protection, la France garde une petite spécificité sur son application : pour obtenir l’IGP, il nous fallait d’abord obtenir un signe de qualité officiel, le Label Rouge ou la CCP*. Cette petite coquetterie typiquement française nous a causés pas loin de dix ans de tracasseries administratives… ça a été le parcours du combattant, pour un petit noyau de producteurs comme nous, sans moyens.
*Certification Conformité Produit
Il faut vraiment aimer la paperasse pour parvenir à ses fins !
Durant cette période, on a connu deux lois d’orientations agricoles qui chamboulaient tout à chaque fois. On n’a pas arrêté d’y travailler. Il y a vraiment un gros problème administratif en France : en Italie, ces démarches ne nous auraient pris que six mois.
Comment les anciens voient-ils cette renaissance officielle ?
Favorablement, je pense. Quelques vieux meuniers sont morts aujourd’hui, c’est dommage, ils auraient été heureux de voir cette évolution. Ça fait vivre quelques petits paysans dans l’arrière-pays. Le petit épeautre a apporté un bon bol d’air à pas mal d’exploitations, qui ne vivaient que d’élevage. Car ici, c’est un petit peu trop haut pour l’abricot ; la lavande n’a plus les débouchés qu’elle avait, tout comme le tilleul, qui sont majoritairement produits à l’étranger. Les cultures du petit épeautre, des lentilles et du pois chiche qui vont avec ont apporté un peu de diversité.
Petit et grand épeautre
On trouve dans les rayons des magasins bio du petit mais également du grand épeautre. C’est le moment d’éclairer nos lecteurs !
On peut dire que le petit épeautre a ouvert la voie au grand épeautre, qui est donc assez proche par le nom, mais pas par le grain. Le grand épeautre, d’une culture plus répandue, est aussi appelé » spelta « . Il a son intérêt nutritionnel, mais il est moins riche que le petit, à tous niveaux et notamment en ce qui concerne les acides aminés. Il est aussi moins digeste.
Sont-ils tous deux de la même famille ?
Non, le mot » épeautre » signifie » grain vêtu « , ce qui décrit le fait qu’il est attaché à sa balle. C’est leur seul point commun. Le grand épeautre est une variété plus récente, issue de croisements. On le cultive en Suisse, Allemagne, Autriche, plutôt dans le Nord. Il est plus facilement panifiable que le petit épeautre, lequel permet de faire un excellent pain, mais plus brun, moins levé.
Petit épeautre et gluten
Le succès du petit épeautre est partiellement lié à la volonté d’une partie de la clientèle de trouver une source de gluten différent de celui du blé, notamment. Cet argument est-il fondé ?
On se garde bien de communiquer sur ce sujet, qui touche à la médecine. Mais nous donnons volontiers quelques renseignements, lorsqu’on nous les demande. Il faut d’abord savoir que le petit épeautre contient du gluten, contrairement à ce que beaucoup croient. Mais ce gluten serait neutralisé par d’autres protéines. Il semble aussi que les molécules de ce gluten soient plus petites, et passent plus aisément la paroi intestinale. De ce fait, le petit épeautre est souvent très bien toléré, y compris par ceux qui ne supportent pas le gluten. Mais nous ne pouvons pas dire qu’il n’est à l’origine d’aucune allergie, nous n’avons pas d’éléments pour le prouver, et il se peut que ce ne soit pas vrai pour tout le monde.
Pourquoi n’en sait-on pas plus, de manière formelle ?
Il n’y a pas de bataillons de chercheurs travaillant à temps plein sur le petit épeautre… La vérité sur le sujet est d’autant plus difficile à appréhender que la méthode classique utilisée pour évaluer les glutens ne s’applique pas à ceux du petit épeautre. C’est assez délicat à analyser, et c’est là tout le travail que nous allons réaliser dans les mois qui viennent, notamment avec les Italiens de Slow Food.
Saveur et cuisine
Un mot sur Slow Food, justement ?
L’inverse de fast food, bien sûr. Il s’agit d’une association qui existe depuis une quinzaine d’années. Leur emblème, c’est l’escargot. Mais derrière le plaisir de la lenteur, du goût et de la découverte, il y a l’idée de sauvegarde de certains produits et des personnes qui ont su les préserver jusque-là. Ils font la promotion de ces produits dans le monde entier : ça peut être un jambon, une céréale, un vin, un pain, du café, du chocolat, de la vanille… Cette association a des ramifications dans beaucoup de pays et fait tous les quatre ans une rencontre internationale, » Terra Madre « , la » Terre Mère « . 5 000 producteurs, tous liés à des histoires et traditions différentes, vont se retrouver cette année à Turin. Slow Food avait entendu parler du petit épeautre, et nous nous sommes rencontrés… Le petit épeautre a d’ailleurs été choisi pour être ce qu’ils appellent un » produit sentinelle « .
Pratiquement, que peuvent-ils apporter, outre le travail sur le gluten que tu as évoqué ?
On va travailler beaucoup plus finement sur le côté terroir, grâce à eux. On va monter des ateliers du goût, transmettre des grains complets et mondés à de grands cuisiniers qui vont travailler sur ces produits. On dégustera, comparera, inventera… L’occasion pour nous de sortir un peu des tracasseries administratives et de commencer à s’amuser…
Que peut-on dire de la manière dont le petit épeautre était cuisiné jusqu’à présent ?
Ancestralement, il se consommait en soupe. On y mettait une saucisse, l’os du jambon quand il était bien raclé, des pois chiches, une carotte… ça permettait de bien tenir le coup. On en faisait aussi de la farine.
Et aujourd’hui, comment donnerais-tu envie de le consommer à nos lecteurs ?
On le cuisine facilement comme un risotto, en salade, en desserts, en crêpes… Il est d’une texture très plaisante, entre craquant et moelleux, qui le rend agréable en toute saison et permet de laisser libre cour à l’imagination du cuisinier (Il nous fut servi ce jour-là avec une viande de mouton. Un mot : merci !). Quant à nous, nous utilisons sa farine exactement comme une farine de blé.
Pour terminer, peux-tu nous donner une idée des quantités produites sous votre appellation ?
En vingt ans, on est passé de 30 à 150 tonnes. On peut progresser, mais il faudra bien gérer conjointement la culture, le décorticage et le commerce… On s’est posé la question de savoir si le petit épeautre resterait un produit de » niche « , ou accéderait à ce qu’on appellera le stade artisanal, ou industriel. La dernière voie est bien entendu exclue, et la niche, on a voulu l’agrandir ! On restera donc artisanal. Mais notre avenir dépendra beaucoup du fait que d’autres paysans se mettront à cultiver du petit épeautre en plaine, ou pas. Le cours du blé s’étant effondré, beaucoup vont peut-être s’y consacrer et créer une concurrence, sur un produit moins cher mais différent.
Malgré ses quelques millénaires d’existence, on s’autorisera à souhaiter longue vie au petit épeautre de Haute Provence ! Quelques instants pour nos questions rituelles : si tu avais à citer un livre, un disque et un tableau qui t’aient marqué?
Je suis un petit curieux, passionné de tout… Mais j’ai trop d’intérêt pour trop de choses pour donner un coup de sabre et dire : c’est celui-là, plutôt que tel autre…
– Le livre : j’aime les biographies, les destins extraordinaires… Les histoires vécues. Je lis aussi beaucoup de revues, Sciences et Vie notamment.
– Le disque : en musique, ce serait du bon blues américain. En chanson, là, j’ai une certitude : Brassens.
– Les tableaux de mes copains peintres, que je regarde tout le temps…
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Claudine Demay Responsable du développement de la marque Priméal, elle s’occupe activement de la promotion du Petite Epeautre de Haute Provence.
Primeal commercialise aussi des flocons, des pâtes…
Les flocons permettent des préparations rapides, ce qui est plutôt sympa, vu que le petit épeautre nécessite normalement 40 minutes de cuisson. Quant aux pâtes, beaucoup de fabricants en commercialisaient déjà, mais au petit épeautre. Claudine Demay a mis au point pour Priméal les pâtes de petit épeautre, à 100 %. Elles sont préparées avec la farine Pichard. Ici, on les apprécie beaucoup. Au bout du compte, c’est presque une interprofession qui existe autour du petit épeautre… On travaille depuis 22 ans avec Pichard, 17 ans avec Priméal. En harmonie. Et on commence aujourd’hui avec Satoriz, qui travaille déjà avec ces deux fournisseurs. C’est bien…
Recettes
Voici deux recettes qui ne datent pas d’hier… Peut-être préférerez-vous celles qui suivent pour vous initier à cuisiner le Petit Épeautre de Haute Provence. Mais nous les avons choisies pour l’attrait de la langue et la satisfaction de se trouver quelques instants, à leur lecture, à la place de ceux qui préparaient le même grain, à une autre époque.
Fin du 14ème siècle (1375) : la formantée
» prennés forment bien esleu (trié), puis mouillés de eaue tiède et le liés en un drapel ; puis batés du pétail (pilon) dessus, bien fort, à tant qu’il soit tout esppouillé (le son bien séparé : séparation des glumes du petit épeautre) et lavés très bien en eaue, et quand il sera trés bien cuit, si le purés, et prennés lait de vache boulli une onde, puis métés cuire dedans vostre forment, et tirés en arrière du feu et remués souvant, et fillés dedans moyeux d’uefs grant foison ; et qu’il ne soit pas trop chaut, quant l’en filera dedans, et remués deans, puis fines espices, et saffran un pou ; et doit estre un liant et jaunet ; et aucuns y metent de l’eaue de la venoisson « .
Début du 16ème siècle : le Grueu
» faire convient avoir de l’espeaulté ou vaeine mondé, nette et bien lavée, et icelle faire cuyre longuement, à part, au just (jus) des pouletz ou du mouton qui soit bien gras. Et quant sera forment cuyt, en prendras dedans une escuelle une patie, et y adjoustereas trois roux (jaune) d’oeufz, et dissolviras tout la dedens ensemble du saffran, et puis les remettras dedens le pot, et l’inspargiras (saupoudreras) d’espices, et présenteras à table. »
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JM