Les biscuits du Moulin du Pivert – Plaisir et tentation

moulin-pivertmoulin-pivert1Les Mazières, petit village de l’Aveyron dans l’ancienne province du Rouergue, région Midi-Pyrénées. Le tout en terres occitanes, sur le flanc sud-ouest de l’Auvergne. On vous a tout dit, si ce n’est que le coin est magnifique.

Les Mazières, petit village ? Pas grand, en tout cas. Vingt âmes en pleine saison. Vingt âmes, si l’on ne compte pas la presque trentaine de visiteurs quotidiens que constitue l’équipe du Moulin du Pivert, biscuitier on ne peut plus local d’envergure nationale, comme vous le savez.

 

biscuits-dessin1Car pour ce qui est de les connaître, leurs biscuits, vous les connaissez…

Péché mignon que l’on s’accorde, vous comme nous et l’air de rien, en glissant dans le panier un paquet de « Fourrés chocolat » par-ci, de « Tentation » ou de « Plaisir citron » par là…Au total et toujours l’air de rien, ces biscuits sont mathématiquement vos favoris, puisqu’en tête de nos ventes sur ce rayon. Eh oui, nous avons nos petits classements, comme les enfants…

Pas de hasard toutefois à ce bon résultat. Juste une grande exigence et minutie supposées, que notre visite confirme.

 

Jean-Michel Cayla, Raymond Cayla et Bertrand Chabbert

Jean-Michel Cayla, Raymond Cayla et Bertrand Chabbert

Nous arrivons au moulin, celui où a grandi Jean-Michel Cayla, l’actuel patron de la biscuiterie. Son père, son grand père ont également oeuvré ici. Une famille de meuniers, de ceux qui travaillaient avantageusement avec un cours d’eau, quand d’autres s’escrimaient avec le vent. On ne s’étonnera donc pas de la situation quelque peu encastrée de ce moulin et de la longue descente vallonnée qui nous mène au village, par cette magnifique journée d’automne.

Autrefois, on cultivait et on broyait du seigle dans cette région, qu’on appelait de ce fait « le Ségala ». Les paysans, eux, étaient « les ventres noirs ». Le blé n’a pu être produit ici qu’à partir du moment où il y eut des fours à chaux, cette chaux permettant de corriger l’excessive acidité du sol. Rien toutefois qui donne un niveau de production suffisant pour continuer à ne vendre que de la farine, en ce début des années 1980. D’où le choix avisé du jeune Jean-Michel, qui orienta le moulin familial vers les biscuits.

moulin-pivert5Trente ans après, c’est toujours au moulin qu’on les produit, non sans un aménagement très réfléchi de l’espace. On continue plus que jamais à y promouvoir les filières locales sur le blé, certes, mais aussi sur l’huile. Commençons par cette dernière, après un petit préliminaire historique.

En conventionnel, l’industrie a longtemps et réellement empoisonné les consommateurs avec des matières grasses dangereuses, les fameux « shortenings » et autres huiles hydrogénées, officiellement toxiques pour le système cardiovasculaire. Le circuit bio fit beaucoup mieux, en intégrant une matière grasse alors peu utilisée, l’huile de palme, non hydrogénée.

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Quelques décennies plus tard, on a judicieusement fait remarquer que l’huile de palme était saturée, ce qui n’est pas néfaste en soit, et qu’elle est issue de cultures qui remplacent les forêts primaires du sud-est asiatique, terrible réalité qui ne concerne pourtant pas le bio. Qu’importe, puisque cette remise en cause a permis à tous de prendre conscience que toute huile de palme provient de trop loin et qu’on pourrait certainement la remplacer avantageusement.

Le Moulin du Pivert fut parmi les premiers à se pencher sur la question, et pas qu’à moitié. Trois ans de recherches quasi à plein temps lui furent nécessaires pour mettre au point ses recettes à base d’huile de tournesol oléique. Le profil en acides gras de cette huile est très proche de celui de l’huile d’olive, elle est résistante à la chaleur, stable, et la filière de tournesol oléique est locale. Magnifique ! Problème, cette matière grasse est liquide et fluidifie bien trop les préparations biscuitières. Il a donc fallu inventer, tester, adapter les machines… La réussite est aujourd’hui là, bien là : les biscuits sont encore meilleurs, et l’entreprise est fière d’avoir converti la totalité de sa gamme à l’exigence « sans huile de palme », une première. Vous l’attendiez, le Moulin du Pivert l’a fait.

Sacrifice d'un biscuit fourré choc, en direct !

Sacrifice d’un biscuit fourré choc, en direct !

Sur les blés, la problématique n’est pas simple non plus. Pour favoriser le craquant d’un biscuit, son fondant, sa légèreté, on peut intégrer des adjuvants. On peut aussi chercher des types de blé compatibles avec l’art de la biscuiterie lorsqu’elle est pratiquée à son meilleur, ce qui est plus difficile. Il existe pour cela une variété dont le gluten est long, très adapté, mais sa culture est peu aisée. Un partenariat avec une proche coopérative permet pourtant l’approvisionnement intégral en cette variété de blé biscuitier, bravo à tous.

Allez, on mélange… Dix, douze, jusqu’à quinze ingrédients différents pour certains biscuits. On les a vus à l’oeuvre, au Moulin ! C’est à la main que tout est dosé, avec une petite pelle et une balance… Pour le coup, n’y voyez aucun avantage ; juste le signe que l’entreprise avance à sa vitesse et pas plus, sans clinquant technologique inutile, avec le bon sens des gens de la terre.

moulin-pivert3Et on en arrive aux grandes spécialités de la maison, le fourrage et le nappage chocolat. Soit l’incomparable expertise de Jean-Michel Cayla, son dada et son cheval de bataille, son combat, son sacerdoce, sa grande oeuvre. Vous avez l’impression qu’on le charrie ? Si c’est le cas, il nous pardonnera. D’abord parce qu’il aime bien ça, mais aussi parce que c’est fait avec le plus profond respect de notre part. Car c’est plus que de l’horlogerie dans la précision, cette histoire. Petit revue de quelques points clés, en commençant par les ingrédients : cacao, sucre, et basta. Les fèves de cacao ? Certifiées équitables, bien sûr. La préparation du chocolat ? Sans lécithine. Pour y arriver, il faut concher plus longtemps. Et où est-il fait, ce conchage ? Sur place, les spécialistes apprécieront. Reste à fourrer, en intégrant la farce dans la pâte avant cuisson, ou à napper, après cuisson, mais avec un refroidissement étudié au degré près, pour éviter la cristallisation. Sans parler du nettoyage des machines, qu’il ne faut pas espérer réaliser à l’eau, mais mécaniquement. Au final un véritable enfer de tracasseries et de réglages. Bah, c’est lui qui fait… Et nous qui nous régalons, tout va bien !

Pour combien de temps ? Très longtemps assurément, bien peu d’acteurs se disputant le créneau sur cette spécialité. Mais à condition toutefois que l’outil évolue à la hauteur de votre demande. Comprendre : que le Moulin n’explose pas… Petite digression pour vous annoncer une délocalisation en Thaïlande ? Dans une zone commerciale de Toulouse, ou plus judicieusement à Villefranche de Rouergue ? Non, tout ce qui est en place au Moulin y restera. Et un bel outil de travail complémentaire sera prochainement monté dans un ancien local restauré pour la circonstance, à quelques minutes de là. Au pays. C’est du solide, ces histoires de meuniers. Et c’est bien pour ça qu’on les aime, au Moulin du Pivert, comme leurs biscuits.

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JM