Réussir les conserves de légumes lactofermentés

Elles se préparent en un rien de temps et permettent de conserver longtemps les légumes, tout en chouchoutant notre microbiote. Comment faire pour ne pas les rater ?

Qu’est-ce que la lactofermentation ?

Cette technique de conservation consiste à disposer dans des bocaux des légumes ou des fruits, entiers, coupés en cubes ou râpés, puis à les recouvrir d’une saumure salée.
Dans un premier temps, le sel va faire ressortir l’eau des végétaux et leur immersion dans le liquide va les plonger dans un environnement anaérobie, c’est-à-dire sans oxygène et sain. Les bactéries lactiques naturellement présentes sur les légumes vont se multiplier en masse en quelques jours, faire baisser le pH de la saumure, acidifier la préparation et ainsi la sécuriser.

À noter : les conserves basiques, au pH supérieur à 4,5, peuvent rester sensibles aux bactéries pathogènes. Pas celles au vinaigre ou riches en acide lactique.

Comment bien les réussir ?

Comme ce type de conserves est réalisé sans cuisson, donc sans destruction immédiate des bactéries indésirables, il est essentiel de travailler dans un environnement propre.

– Optez pour des légumes de première fraîcheur pour mettre toutes les chances de votre côté. S’ils datent de plusieurs jours/semaines, sont flétris ou mous, la conserve sera au mieux insipide et molle, et au pire totalement ratée.
– Faites en sorte que vos légumes soient toujours immergés. Sans quoi ils flotteront, seront au contact de l’air résiduel à la surface et moisiront. Posez ainsi un poids (couvercle en verre, galet ébouillanté) ou une feuille de chou et/ou des baguettes chinoises coupées au diamètre du bocal et versez de l’eau de manière à complètement immerger les végétaux.
– Optez pour des bocaux avec des couvercles non métalliques. En effet, le jus acide produit par les bactéries lactiques peut faire rouiller l’intérieur des couvercles en métal.

Quelles sont les durées et les températures de fermentation ?

Au départ, laissez vos bocaux à 18-25 °C de 3 à 7 jours pour permettre aux bactéries de se développer en masse. Puis, quand des bulles apparaissent à la surface du jus, ou quand les légumes remontent, placez le bocal au réfrigérateur pour 3 semaines. Les bactéries vont continuer à travailler tranquillement, assurant une plus longue conservation aux aliments.

Pourquoi mettre du sel ?

Le sel permet déjà de faire ressortir l’eau des légumes par le phénomène d’osmose. Ils vont ainsi devenir plus tendres, et selon la quantité de sel ajoutée, plus croquants. Le sel décourage les bactéries indésirables de s’installer, laissant la place aux bactéries lactiques souhaitées. Il joue également un rôle de conservateur. Comptez en moyenne 2 à 3 % de sel, soit 20 à 30 g par kilo de légumes.

La recette de base : la choucroute

Commençons avec la choucroute qui est la recette lactofermentée la plus connue, celle que l’on réalise lorsque l’on veut se faire les armes sur cette technique de conservation.

1. Lavez un petit chou vert et retirez les éventuelles parties abîmées. À l’aide d’une mandoline, émincez-le finement.
2. Mettez-le dans un grand saladier avec quelques baies de genièvre (8 pour 1 kg de chou) et ajoutez 2 % de sel (par exemple, pour 1 kg de chou, ajoutez 20 g de sel). Mélangez bien, tout en pétrissant le chou pour faire pénétrer le sel. Laissez reposer pendant 1h (ce procédé permet d’attendrir le chou et de pouvoir bien le tasser dans les bocaux).
3. Lavez les bocaux à l’eau bien chaude et savonneuse. Disposez le chou au fond en tassant bien. Ajoutez le jus résiduel. Complétez si besoin avec un peu d’eau en laissant au moins 2 à 3 cm libres en haut du bocal. Maintenez les légumes immergés en plaçant dessus 1 morceau de feuille de chou, puis 2 petites baguettes en bois. Refermez les bocaux.
4. Laissez fermenter pendant 7 jours à température ambiante, puis pendant
3 semaines au réfrigérateur.

Les déclinaisons possibles

Les légumes peuvent être émincés finement à la mandoline, râpés (mais pas trop finement), coupés en rondelles, en cubes, laissés entiers (même s’ils sont gros !) ou réduits en purée. Vous pouvez ajouter des aromates comme des épices, des piments, de l’ail ou des fruits. Par exemple, vous pouvez réaliser :

– des carottes râpées au gingembre avec des rondelles d’orange
– des rondelles de radis roses (qui se décolorent au fil de temps à cause de l’acidité)
– des boutons d’ail des ours
– du kimchi (chou chinois lactofermenté à la coréenne avec des radis, de l’ail, du gingembre et du piment)
– des betteraves à la russe (coupées en quartiers) parfumées aux graines de coriandre et à l’aneth
– des citrons confits (entiers ou en rondelles)
– des pâtes condimentaires à base de piment ou de citron, ou encore de la moutarde maison.

La recette utile : la moutarde maison

Pour 600 g de moutarde : 200 g de graines de moutarde (170 g de jaunes, 30 g de brunes), 150 ml de jus de légumes lactofermentés (choucroute, citrons confits…), 10 g de sel, 1 c. à café rase de curcuma, 1 c. à soupe de miel.

Disposez les graines dans un bocal de 1L avec 300 ml d’eau, le jus de légumes lactofermentés et le sel. Laissez 1 à 2 jours. Égouttez les graines en réservant le jus. Mixez les graines avec un peu de jus et ajoutez-en au fur à mesure selon la consistance désirée. Incorporez le curcuma et le miel. Placez la moutarde dans
1 grand bocal ou plusieurs petits. Laissez fermenter pendant 8 jours à température ambiante puis 3 semaines au réfrigérateur avant de pouvoir la consommer.

Une solution zéro énergie ?

On oppose souvent la lactofermentation et la stérilisation en arguant que cette dernière est moins intéressante au plan énergétique, car gourmande en gaz et en électricité, tandis que la première ne requiert aucune énergie. C’est vrai… et c’est faux ! Si la lactofermentation ne demande pas d’énergie pour sa préparation, elle en requiert pour être bien conservée, idéalement au réfrigérateur. Les aficionados des bocaux fermentés ont ainsi presque tous un deuxième frigo…

Linda Louis