Au paradis des fruits chez Bioloklock

Nous voilà dans le Sud-Ouest, à Montpezat d’Agenais, au pays des pruneaux. Le magasin Satoriz le plus proche, celui de Montpellier, est à trois jours de vélo. Autant dire qu’on est bigrement sortis de notre zone de confort (et de chalandise) pour aller explorer l’épicentre de la prune d’Ente et fief des meilleurs confituriers. Là, par un bel après-midi de juin où le thermostat frôlait déjà les 40 °C, on a toqué à la porte de l’atelier de Bioloklock. C’est le patron, David Klockenbring, qui nous a ouvert. Vous avez compris le jeu de mot ? Nous, oui !

Une affaire de famille

Attention, on va remonter sur trois générations !

Franz Klockenbring, arrière-grand-père de David, est pharmacien en Alsace. Passionné par la santé, il participe à la création de la marque Weleda. Mais c’est la santé des terres qui le fascine le plus, et quand il tombe amoureux d’une petite ferme dans le Lot-et-Garonne des années 1930, il l’achète et y installe un fermier. Après la Seconde Guerre mondiale, son fils Jean-Didier se retrouve chef de l’exploitation. Il s’intéresse à une autre façon de cultiver, et devient à la fin des années 1950 pionnier d’une agriculture biologique qui ne dit pas encore son nom.

Bernard, fils de Jean-Didier, hérite des valeurs familiales. C’est lui qui labellise en bio vignes et vergers et commence à transformer le fruit des récoltes. À côté des prunes et pruneaux, il se lance dans les années 1990 dans l’aventure de la betterave cuite bio sous vide. Pas une mince affaire ! David (photo page ci-contre), fils de Bernard, le libère de la partie transformation et le laisse se consacrer – non sans soulagement ! – à ses vergers. Adieu betteraves, David crée la SARL Bioloklock (il y a un jeu de mot ! Vous l’aviez vu ?) et développe dans les années 2000 la préparation de confitures et de fruits au sirop.

Au milieu des fruits

L’atelier de Bioloklock est installé en plein milieu des vergers familiaux. Mirabelles, reines-claudes, cassis, poires, figues… Dans cette ferme cultivée en permaculture, des moutons tondent l’herbe sous les arbres de variétés anciennes et fournissent de l’engrais. Zéro désherbant, pas d’insecticide, aucun traitement : on laisse le sol tranquille. Les fraisiers poussent à côté́ des cassis, myrtilles et potimarrons pour diversifier les cultures. Des ruches pour les abeilles, des nichoirs pour les mésanges et les chauves-souris, des haies pour les hérissons, et une mare pour donner envie à la nature de nous le rendre au centuple. Et c’est ce qu’elle fait : les fruits transformés par David et son équipe proviennent majoritairement des vergers familiaux et d’autres exploitations locales de taille modeste.

100 % issus de fruits

On n’a pas le droit de les appeler « confitures », car ces préparations sont en dessous du taux de brix (mesure qui indique la concentration de sucre dans une solution) imposé par la réglementation sur les confitures.

C’est grave, docteur ? Pas trop, non, car les fruits sont simplement cuits avec 30 % de jus de pomme concentré à la place du sucre. Le résultat est moins riche en sucre mais offre la même satisfaction gustative qu’une confiture. Le nom officiel en moins, donc. Et avec un indice glycémique plutôt moindre.

C’est dans les vieux pots…

Les préparations de fruits cuisent à l’ancienne dans huit petits chaudrons traditionnels de 10 kg et à feu nu. Elles sont depuis toujours sans gélifiant ni additif. Ça fonctionne exactement comme à la maison, si ce n’est qu’un copain a bricolé un système de chaînes et de pignons qui active les 8 mélangeurs en même temps, permettant à une seule personne de gérer le processus. Vive et rapide, la cuisson dure seulement une dizaine de minutes après l’ébullition afin d’évaporer le maximum d’eau sans altérer le goût et tout en évitant la caramélisation.

L’atelier de Bioloklock, c’est énormément de travail manuel. Trier, laver, dénoyauter… En période estivale, il faut récolter et transformer quotidiennement, avant que les fruits ne s’altèrent. David n’a pas recours à la surgélation, sauf pour les deux fruits qui viennent d’un peu plus loin et sont par conséquent plus fragiles : les framboises et les marrons. Mirabelles, poires, pêches : « le résultat est bien meilleur avec des fruits frais ! », reconnaît ce dernier. Et l’hiver, on s’ennuie ? Pensez-vous, il y a les coings, les kakis, les marrons…

Les fruits au sirop

Quelle joie de pouvoir préparer en plein hiver une bonne forêt noire, des pêches melba ou un gâteau renversé aux abricots ! Les fruits au sirop nous le permettent, et c’est accessoirement l’une des meilleures manières de mettre la saison estivale directement en bocal sans passer par la case confiture.

Le jour de notre visite, deux personnes trient, lavent et dénoyautent de belles cerises. Une fois mises dans les pots, on les recouvre d’un sirop (de l’eau et du sucre de betterave de France), puis c’est parti pour la pasteurisation dans l’autoclave.