Belledonne – Pains, biscuits et bonne compagnie !

Hier Pain de Belledonne, aujourd’hui Belledonne tout court. Installée au pied du massif du même nom, à La Croix-de-la-Rochette en Savoie, l’entreprise arbore aujourd’hui un logo qui ne réduit plus son activité à la seule panification. Il faut dire qu’outre le pain, Belledonne produit des biscuits, du chocolat et des confiseries qui relèvent de tout, sauf de l’anecdote.

©Lionel Moulet – Belledonne

Belledonne et Satoriz ont une histoire commune. Nous vous la racontions dans le Sat’info n° 167, consacré à nos 40 ans. Georges Quillet, fondateur de Satoriz, a d’abord commercialisé des produits bio sur les marchés régionaux – un acte militant à l’époque. Initié à l’alimentation saine dans les montagnes des Bauges, il fait partie d’une bande de copains passionnés de céréales complètes et de philosophie orientale. Bruno Anquetil, patron de Belledonne, est de ceux-là. Tous deux vivent ensemble l’aventure des marchés, jusqu’à ce que Bruno se destine au métier de boulanger bio, en 1991.

Autodidacte, il installe son tout premier fournil dans un ancien corps de ferme à Arvillard, au cœur du massif de Belledonne. En trente ans, ce fournil n’a cessé de grandir. En 2001, déménagement en plaine. À partir de 2006, fabrication de biscuits vendus en vrac. En 2008, Belledonne ajoute à sa carte le métier de chocolatier, puis celui de confiseur. Bruno ouvre un fournil en région parisienne, un autre en Occitanie et un quatrième en Provence, pour panifier au plus près de ses producteurs de blé. Trente ans ont passé, et Belledonne est devenu aussi gros que ses biscuits, ce qui n’est pas peu dire !

Mais que le lecteur se rassure, dans la tête de Belledonne (qui est toujours celle de Bruno), rien n’a changé. Fils d’agriculteur, Bruno Anquetil ne conçoit pas la boulangerie sans lien de proximité avec des fermiers locaux. Ni sans le rôle social du pain, aliment vivant hautement partageable. Imprégné par la philosophie orientale, il a fait construire des bâtiments éco-conçus respectant les règles du Feng Shui et de l’antigaspi. Cela rend-il les pains et les biscuits meilleurs ? Incontestablement.

Tel Shiva, Belledonne a certes une tête, mais surtout beaucoup de bras. Ses 190 collaborateurs savent tout faire, ou presque : disons que tout ce qui peut être fait maison, l’est. Dans les différents ateliers, la plupart des employés sont issus de l’artisanat : boulangers, pâtissiers, chocolatiers… Torréfier les graines, fabriquer sur place le praliné ou la guimauve permet d’obtenir exactement le résultat escompté. Du goût, toujours du goût, grâce à des matières premières sélectionnées pour leur qualité.

Ces dernières sont majoritairement issues de filières labellisées Biopartenaire, un label associatif que Bruno a contribué à mettre sur pied. Biopartenaire certifie des filières de production à l’étranger (bio et équitables), mais également en France (bio et solidaires). Contre toute attente, ces dernières sont souvent les plus difficiles à monter : il faut compter trois à dix ans pour une filière de blé panifiable. En Savoie, par exemple, les terres agricoles sont essentiellement destinées à la production de lait, si bien valorisé par certains labels de qualité (les fameux reblochons, tomme de Yenne…). Convaincre un agriculteur de cultiver du blé en rotation demande force patience et conviction. Initié en 2016, le partenariat avec Julien Droge, de « La Ferme à Pierre », située en montagne à seulement 15 minutes de La Croix-de-la-Rochette, s’est concrétisé quatre ans plus tard. Belledonne a accompagné Julien pour les investissements nécessaires, dont l’achat d’un moulin Astrié à meule de pierre et la construction d’une meunerie. Aujourd’hui Julien livre à Belledonne 8 % du blé nécessaires pour produire son pain. De la même manière, Belledonne travaille avec des meuniers ou des paysans situés à moins de 200 kilomètres de chacun de ses fournils, principalement des petites fermes qui s’engagent pour la sauvegarde de la biodiversité céréalière.

Dans un premier bâtiment, on trouve la boulangerie, le pain, le monde du vivant. Un levain-chef vieux de trente ans et nourri quotidiennement, des pains façonnés à la main. Dans un autre espace éco-construit en 2019, c’est la biscuiterie, le monde de la précision. De nombreux mètres carrés et des machines perfectionnées sont venus remplacer ceux qui avaient fait leur temps. Du mélange des ingrédients à la cuisson, tout est pesé avec soin mais toujours avec générosité. Les biscuitier.e.s ajustent les pâtes en fonction des ingrédients du jour. Sous leur œil averti, les machines exécutent. Certes, c’est un peu moins poétique qu’avant, quand il fallait carrément y mettre les mains, et surtout les bras. Mais tellement moins pénible pour celles et ceux qui donnent vie, chaque heure, à 200 kilos de biscuits !

Ces biscuits sont disponibles en vrac, et en vrac uniquement. Ce choix vieux de trente ans est plus que jamais d’actualité. On est loin ici du paquet de petits beurres ensachés puis encartonnés, que l’on entame sur un coup de tête avant de l’oublier sur la plage arrière. L’expérience du biscuit en vrac, c’est tout l’inverse : on salive sous son masque en imaginant le croustifondant d’un Croustichoc aux céréales et au chocolat lait, la rusticité d’un Sablé multigraines ou encore le moelleux d’un Cœur à la marmelade d’orange nappé de chocolat noir. On les choisit, un à un, en conscience. On sait déjà à quel festin on les destine, et qu’aucune miette ne sera gâchée. Notons qu’à côté des gros biscuits, il y en a de plus petits, pour les personnes très raisonnables que vous êtes sans doute : des petits sablés que la Bretagne pourrait bien nous envier, en version nature ou nappée de chocolat noir ou au lait. Très raisonnables, on vous disait.

Bonne nouvelle, dans ce rayon vrac, on ne rencontre pas seulement les biscuits mais également la guimauve artisanale nappée de chocolat au lait, les « grains de saveurs » (fruits secs enrobés de chocolat) et les tablettes de chocolat à casser, bien épaisses et outrageusement garnies de cranberries, amandes et autres noisettes. Toastées maison, les noisettes.

Voilà pour nourrir un peu plus que le ventre. L’esprit, l’imagination, le plaisir. L’engagement, peut-être ?

CC