Lactofermentation et soja chez Le Sojami

Fabriquer du fromage avec du soja, une utopie ? Par pour Le Sojami, qui prête vie depuis plus de vingt ans à une « spécialité à tartiner » que la législation interdit de nommer fromage, mais qui répond pourtant à tous les codes de la fromagerie traditionnelle, le lait animal en moins. Qu’importe au fond l’étiquette, car au-delà du soja, du tofu ou des tartinables, ce que commercialise Sojami ce sont d’abord les superpouvoirs des ferments, précieux protecteurs de notre microbiote. Et ce qui nous importe à nous, mangeurs de bonnes choses, c’est que ce soit… très bon !

 

Ce que le fromage est au soja

Le phalanstère de Jean-James Garreau se situe dans l’Agropole d’Agen, pépinière d’entreprises à forte innovation ajoutée, non loin de l’atelier où l’un de ses confrères, Danival, fabrique un excellent miso. Le fondateur du Sojami, docteur en biologie et en écologie humaine, a voyagé pendant plus de dix ans dans le cadre de ses recherches lorsqu’il rentre poser ses valises dans sa Vendée natale en 1994. Fils d’une famille ouvrière où l’on élève des chèvres pour fabriquer le fromage que l’on consomme à la maison, devenu entretemps végétarien strict, il décide de faire son propre fromage végétal à partir de lait de soja. Jean-James Garreau connaît parfaitement l’univers des bactéries et vient de terminer une étude sur le soja en alimentation humaine. La lactofermentation, ça le connait. Non seulement le procédé fonctionne, mais il lui permet de remporter le concours de l’Agropole d’Agen et l’amène à fonder l’entreprise que l’on connaît aujourd’hui.

Jean-James Garreau ne s’en cache pas, il était très utopiste à l’époque. Vingt ans plus tard, l’expérience de l’économie appliquée à l’entreprise lui a ramené les pieds sur terre, mais n’a certainement pas rabaissé ses exigences en matière d’écologie. Puisque c’est l’économie qui commande le politique, qui commande l’écologie, et que tout cela est affaire d’équilibres et de compromis, autant être aux manettes, constate-t-il. Et quand on l’invite à imaginer le système agro-alimentaire de demain, il visualise volontiers des entités de production régionales à taille humaine, chacune ancrée dans son terroir, toutes répondant à la logique du bio et de la proximité. Un peu comme Le Sojami… Utopiste ou optimiste, peu importe au final ; ce qui compte c’est que ses produits aient une action positive et que chacun, quel que soit son mode d’alimentation, soit en capacité de se les approprier. Le Sojami ne s’adresse donc pas plus aux vegans qu’aux végétariens ou aux personnes intolérantes au lactose : il parle à tout le monde, pour peu que l’on daigne s’intéresser. Le soja lactofermenté constitue en effet ce que l’on appelle, dans le jargon des puissants, une « innovation de rupture » consistant à créer un besoin qui n’existait pas. On considère qu’une telle innovation met une génération à infuser les habitudes courantes. Sachant que Le Sojami a vingt ans et que son équipe est largement constituée de Millenials, on peut considérer qu’on y est, là, maintenant…

Alors, intéressons-nous ! Le Sojami transforme du lait de soja du Sud-Ouest en Tartimi, une « spécialité » (pour ne pas dire un fromage) que l’on peut apprécier à l’heure du plateau de fromage comme de l’apéritif, mais aussi cuisiner. Exactement comme du… fromage, donc. Du fromage à tartiner, plus précisément. Vous voyez où l’on veut en venir si l’on mentionne la version Ail et fines herbes ? Bon. Sachez qu’il en existe des variantes aux noix comme à la ciboulette, qui nous transportent dans l’univers des fromages les plus typés sans décevoir, tandis que les versions basilic ou curcuma se prêtent davantage à la trempette végétale apéritive.

Les ferments sont mis dans le « lait » de soja comme dans le cas d’un fromage classique. Le jus de soja est la seule boisson végétale suffisamment stable pour qu’une prise en masse soit possible. Dans le cas du tofu, le caillé de soja est obtenu par la réaction physico-chimique induite par l’ajout de nigari, le chlorure de magnésium. Pour le Tartimi, la prise en masse découle directement de la fermentation, comme pour un vrai fromage. Au passage, le goût de soja, si décrié en nos contrées pour son côté plâtre aromatisé à la fève, est absent du produit final. La lactofermentation a fait le job !

 

Ce que la lactofermentation fait au soja

En bonne légumineuse, le soja est bourré de facteurs anti-nutritionnels qui perturbent l’assimilation des nombreux minéraux et protéines qu’il contient. On connaît notamment l’acide phytique et les sucres de flatulences… Il existe trois manières de les réduire à néant : la cuisson, la germination et la fermentation. Employée depuis des temps immémoriaux, la fermentation permet de conserver les aliments tout en les bonifiant et en les rendant plus digestes. Parmi les multiples méthodes de fermentation connues, c’est la lactofermentation qui a été retenue par Le Sojami.
Chassons d’entrée tout risque de confusion: la lactofermentation n’implique pas l’utilisation de lait, uniquement celle de bactéries lactiques, les lactobacilles. Une bactérie n’appartient pas plus au règne animal qu’au règne végétal, elle existait bien avant eux. La lactofermentation se nomme ainsi car les aliments qui lui sont soumis produisent un » jus » que l’on nomme acide lactique. Dans le cas du soja, les bactéries lactiques se nourrissent des sucres, les transforment et les enrichissent. Le soja lactofermenté est donc plus digeste et ses protéines d’autant plus assimilables. Il va de plus apporter à notre microbiote tous les bienfaits des ferments : meilleur équilibre de la flore intestinale, digestion facilitée, équilibre nerveux et émotionnel amélioré. Le tout quasiment sans glucides et avec très peu de matières grasses.

Non pasteurisés, les produits Le Sojami s’inscrivent dans le cadre d’une alimentation vivante. Ajouter une petite cuillerée de Tartimi sur le coin de notre assiette, comme un condiment, est donc une très bonne idée : non seulement c’est bon, mais cela va faciliter la digestion de l’ensemble. Conclure le repas avec une glace Sojami n’est pas une mauvaise idée non plus : une glace aussi digestive qu’une tisane tout en étant délicieusement onctueuse, on vote pour ! Manger » vivant » ne veut pas dire manger cru, mais invite à respecter la vitalité contenue dans l’aliment. Ainsi, on peut cuisiner les produits Sojami mais il est préférable d’éviter de les soumettre à une cuisson trop poussée, qui réduirait à néant le pouvoir des ferments. On peut très bien les mélanger à des pâtes ou les mixer après cuisson avec les ingrédients d’un velouté pour profiter de l’effet « fromage à pâte fondue », aussi liant que plaisant.

La version nature du Sojami, c’est une « crème fraiche » végétale onctueuse, fraiche et acidulée, qui se cuisine comme la version animale. Battue en omelette avec des œufs, elle donne un bel aspect soufflé obtenu grâce à la présence naturelle de lécithine de soja. Mieux vaut éviter de la cuire trop fort car, moins riche en matières grasses que la version classique, elle peut avoir tendance à granuler un peu. Dans les pâtes, les desserts, les terrines, les glaces… elle est vraiment bluffante !

Nous sommes donc bien loin du Japon et des sojas fermentés que sont le miso et la sauce de soja, tous deux obtenus par des fermentations successives au moyen de champignons. Ici, l’inspiration, c’est bien la fromagerie campagnarde à la française ! Le Sojami produit néanmoins du tofu, toujours sur la base de son lait de soja lactofermenté. Il est donc naturellement plus acidulé, mais aussi à la fois plus ferme et plus tendre qu’un tofu classique ; il n’est pas sans rappeler la feta. Le tofu lactofermenté est plus digeste que le tofu classique et permet une meilleure assimilation des protéines végétales, et sa version aromatisée au pesto,nous invite plutôt à rester dans la cuisine de nos campagnes qu’à voyager jusqu’en Asie. Local et accessible, jusqu’au bout !

CC