Mousse du Japon, kanten, gélose, mousse de Ceylan, E406…L’agar-agar, dont le nom vient du malaisien et désigne la gelée qu’il permet d’obtenir, ne manque pas de surnoms plus ou moins seyants. Il y a une vingtaine d’années, quand on l’a vu apparaître dans nos rayons, il faisait même figure de secret d’initiés. Importé du Japon et présenté comme un très bon gélifiant pour confitures, il intriguait amusait, mais ne drainait pas les foules.
Aujourd’hui, à l’inverse, l’agar-agar est un ingrédient connu, pour ne pas dire incontournable. Car entre temps, le secret a été divulgué : cette poudre-là est un peu enchantée, et ne doit pas rester cantonnée aux bassines de marmelade…
Allié minceur, l’agar-agar est versatile, simple et ludique à utiliser dans toutes sortes de préparations. Et depuis 2012, il peut même être français et certifié bio.
On lui tire le portrait ?
Présentations !
L’agar-agar est un extrait d’algues rouges. Il constitue la principale alternative végétale à la gélatine animale (rappelons-le, cette dernière est obtenue à partir des os, de la peau et des ligaments des bêtes d’équarrissage, généralement du porc, plus rarement du boeuf). Biologiquement parlant, l’agar-agar est un polysaccharide constitué essentiellement d’agarose et d’agaropectine, substances dont la présence motive son usage comme gélifiant, épaississant et stabilisant.
En cuisine, on utilise donc l’agar-agar comme un additif, c’est-à-dire en des proportions infinitésimales (de 1 à 8 grammes par préparation). Il permet de réaliser des gelées, des flans ou encore des entremets sans gélatine ni oeufs. Il n’apporte ni odeur, ni goût, ni calories aux préparations. Pour jouer son rôle, il doit seulement être mélangé à un liquide qui sera porté à ébullition puis refroidi. Simple, rapide… contrat rempli !
Outre le fait que l’agar-agar permet d’alléger les recettes en diminuant la présence d’ingrédients gras ou sucrés, notre poudre extraordinaire possède de réelles vertus « minceur ». Elle est utilisée de longue date par les Japonaises désireuses de garder la ligne, qui en ajoutent une cuillerée dans une simple tasse de thé. En gonflant au contact d’un liquide chaud, l’agar-agar forme en effet un mucilage qui installe une sensation de satiété, purifie l’organisme de ses toxines et aide à la digestion. Au pays du Soleil Levant, le « régime kanten » a le vent en poupe depuis des décennies, bien avant sa popularisation en France à la fin des années 2000. Ceux qui ont pris le réflexe agar-agar il y a quelques années ne se sont peut-être jamais posé la question de sa provenance et de son mode de transformation. D’où vient-il, comment transforme-t-on une algue en poudre, y a-t-il un magicien derrière tout cela…?
Allô, Sat’info ?
La réponse, par étapes !
La récolte
Notre agar-agar est extrait d’une algue rouge (Gelidium Sesquipedale). Il s’agit d’une variété sauvage peuplant les fonds rocheux de la côte basque, qui prolifère dans une eau classée « haute qualité sanitaire ». Elle se détache naturellement des fonds marins sous l’action de la mer, lors des tempêtes, pour venir s’échouer entre Biarritz et Hendaye quelque part entre septembre et novembre.
Autant dire que c’est bel et bien la nature qui détermine le calendrier, et que le récoltant n’a plus qu’à être fin prêt le jour J ! Pour tout vous avouer, on a voulu aller voir… Mais l’algue a été plus rapide que nous. Et comme elle n’est pas du genre à prendre rendez-vous… C’est raté ! Pour cette fois…
Le Gelidium Sesquipedale étant défini comme une espèce locale non menacée d’extinction, la récolte des échouages n’affecte pas la stabilité de l’écosystème. Si des essais de cultures ont été menés, il s’avère à la fois plus efficace et logique de laisser l’algue se décrocher naturellement du fond de la mer. Elle nous parvient ainsi au top de ses vertus, au meilleur moment pour elle. Des tentatives de cueillette par des plongeurs ont également été abandonnées, les algues ne repoussant pas après leur passage. Quand la mer a terminé son travail, la main de l’homme peut prendre le relais… Et là, c’est du boulot !
La transformation
Un simple coup de baguette magique ? Plutôt une technique complexe et dûment éprouvée…
1) Fraîchement récoltées sur le sable et encore humides, les algues sont pesées.
2) Elles sont lavées au moins trois fois à grande eau pour en retirer les saletés (sel, cailloux), la chlorophylle et les pigments rouges.
3) Bien proprettes, les algues passent en autoclave pendant 3 ou 4 heures dans une eau à 121 °C, ce qui permet de récupérer une eau de cuisson riche de leurs propriétés gélifiantes. Les algues sont quant à elles recyclées sous forme de compost.
4) L’extrait d’algues ainsi obtenu est filtré sur une fine poudre de coquillages fossiles qui captera ses impuretés.
5) L’agar-agar, brûlant, est refroidi. Il forme alors un gel, que l’on nettoie à son tour dans une eau déminéralisée.
6) Bloqué entre deux plaques perforées sur lesquelles on exerce une forte pression, le gel libère une grande quantité d’eau. Il est ensuite placé dans un séchoir pour être déshydraté à la vapeur d’eau.
7) On récupère alors des paillettes plus ou moins grossières, qui sont ensuite broyées… pour donner la poudre tant convoitée !
Interview – Magalie Jost – NAT-ali et l’agar-agar
Nature et Aliments (NAT-ALI) est notre principal fournisseur d’agar-agar. Entreprise nantaise et familiale, elle est dirigée par Magalie Jost, intarissable sur notre sujet du jour.
NAT-ALI a été fondée (sous le nom de Plaisance) en 1913. L’agar-agar était-il déjà derrière tout cela ?
L’entreprise a été créée par Eugène Jost, alors importateur de « denrées coloniales » (sucre, vanille…) pour le biscuitier LU. A l’occasion d’un séjour en Ecosse, il est amené à déguster un délicieux blanc-manger réalisé à partir de lait, d’amandes, de sucre et de… « colle de poisson ». Il se remémore que, quand il était petit, sa grand-mère l’envoyait ramasser des algues vertes sur les plages du Croisic. Elle les faisait ensuite sécher et blanchir au soleil, puis bouillir dans du lait pour obtenir un entremets, dit « gâteau de goémon ». Ce souvenir fait germer dans l’esprit d’Eugène l’idée de fabriquer des entremets en sachet, sans la saveur « poisson », guère plaisante… Il réussit à obtenir le résultat souhaité après plusieurs années d’expérimentations.
Comment a-t-il l’idée d’avoir recours à l’agar-agar ?
Il l’a découvert lors d’un voyage au Japon. Là-bas, on avait fait le même constat qu’en Bretagne. Au xviie siècle, un cuisinier japonais, faisant bouillir un reste d’algues rouges conservées dans de la neige, avait obtenu une belle gelée bien ferme… et l’usage de l’agar-agar s’était facilement répandu. En France, des entremétiers avaient réussi dès le xixe siècle à retrouver la texture du blanc-manger en utilisant des extraits d’algues. Début xxe, on employait l’agar-agar dans l’industrie et la chimie, pour les bouillons de culture, les cosmétiques, les moulages… mais pas dans l’industrie agro-alimentaire. Eugène Jost a donc l’idée d’en faire la matière première de flans en sachets non sucrés auxquels il suffit d’ajouter du lait. A l’époque, il importe l’agar-agar du Japon sous forme sèche. L’algue est broyée à Nantes à coups de galets, et le résidu obtenu est directement intégré dans la poudre à flan.
Le concept a-t-il immédiatement séduit la ménagère de l’époque ?
Pendant la Première Guerre Mondiale, les sachets de flan ont rendu de fiers services aux cuisinières, qui manquaient d’oeufs. L’entreprise a commencé à les vendre dans toute la Bretagne. La recette du flan non sucré en sachet a ensuite été perfectionnée au fil du temps, jusqu’à passer en bio à la fin des années 1970. Au départ simple additif parmi les ingrédients de la poudre à flan, l’agar-agar a été commercialisé « pur » dans les années 1980. NAT-ALI a été pionnière dans cette commercialisation.
L’agar-agar certifié bio chez NAT-ALI, c’est depuis 2012. Pourquoi si tard ?
Nous avons demandé la certification bio en 2010, mais le processus de transformation de l’agar-agar est complexe et a demandé beaucoup de travail d’adaptation. En bio comme en non bio, il est extrait d’une algue échouée sur les côtes. C’est le processus de transformation qui fait qu’il peut être ou non certifié bio, pas l’origine de la matière première. En conventionnel, l’agar-agar peut être mis à sécher des mois durant dans des entrepôts, comme du foin. Il est ensuite désodorisé et blanchi par traitement chimique. En bio, en revanche, l’algue est toujours travaillée fraîche. On n’utilise aucun produit chimique pour la blanchir ni la désodoriser. Certaines étapes ont été particulièrement complexes à adapter…
L’agar-agar bio a donc un aspect, une odeur, un goût différents de la version non bio ?
Il est un peu plus grisâtre et il a parfois une très légère odeur marine. Certains consommateurs ont relevé que son goût était légèrement différent. Ces observations sont judicieuses, mais en réalité les quantités microscopiques utilisées dans l’industrie comme à la maison font que l’on ne détecte pas cette différence une fois l’agar-agar cuisiné, sauf si l’on en consomme de grandes quantités sous forme de boisson. Les images de l’interview sont tirées du livre 100 ans de desserts exquis, de Plaisance à Nat-ali, édité par la marque en 2013.
Pour passer à la pratique :
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