L’ail, son frère l’oignon et sa cousine l’échalote…

Joël embrasse sa récolte !

 

Quelle grande famille que celle des Allium ! Un genre pour être botaniquement précis, qui regroupe les aulx, les oignons et échalotes mais aussi – le saviez-vous ? – le poireau et la ciboulette. Nous laisserons ces deux derniers de côté, pour notre recensement de la branche « bulbeuse » de cette foisonnante tribu.

 

À tout seigneur, tout honneur, nous commencerons par l’ail. D’autant que nous avons la chance, par notre lien avec deux maraîchers, d’être servis une bonne partie de l’année sur des productions de la basse vallée de la Drôme, autour de Loriol. Le soleil et son pote le mistral ont fait de ces plaines un lieu idéal pour l’ail de consommation, mais également une véritable pouponnière où naissent des plants de grande qualité, ensuite repiqués dans le monde entier. Les caïeux (la gousse) sont mis en terre en octobre/novembre. Comme souvent en bio, puisque le maraîcher a renoncé à toute aide chimique, une attention particulière est requise de la plantation à la récolte. Ainsi, il faudra veiller à ne pas se faire déborder par la mauvaise herbe jouant des coudes dans le rang, qui aurait tôt fait d’asphyxier les frêles et timides pousses. Désherbage mécanique possible mais au pas de la mule…

Sinon, c’est la binette ! Quand tout se passe bien, soit quand la tige a grandi sous un soleil généreux mais pas trop brûlant, a été suffisamment arrosée puis séchée rapidement par l’allié mistral, a échappé aux attaques de rouille ou de penicillium, vient le temps de la récolte, vers la mi-juin. À la main s’entend, pour la délicatesse du geste qui préservera l’aspect des têtes. S’ensuit un petit séjour sur place pour un pré-séchage sous le soleil et enfin le ramassage des bulbes et de leur chevelure. Chez Joël Fauriel, c’est sous un hangar bien aéré que de lourdes tresses suspendues sècheront le temps qu’il faut. Il restera ensuite à séparer le bulbe de sa tige, lui rendre sa belle livrée blanche et immaculée, le calibrer et le conditionner. Nos partenaires ont conservé le savoir-faire du tressage. Grâce à Mélanie Chancel, nous pouvons agrémenter notre gamme de ces belles nattes de douze ou de six têtes, à suspendre en cuisine à portée de main. Disponible également en mode « fumé au bois de hêtre », dans la tradition nordiste. Pour être complet, il nous faut également parler des bottes d’aillet, servies de mars à mai. L’aillet est la forme juvénile, immature de l’ail, lorsque son bulbe est à peine esquissé, lui donnant l’aspect d’un jeune poireau. Condiment tendre et épicé pour relever une omelette ou agrémenter une salade. Ne pas confondre avec l’ail frais qui, début juin, a déjà acquis sa pleine nature « aillesque » avec des caractères primeurs de fraîcheur, de jus et d’ardence !

 

Avec l’oignon (on écrit « oi » mais on prononce « o »), parent proche donc, nous passons du condiment à l’aliment : nous sommes toujours impressionnés par les volumes que nous vous vendons, en particulier au printemps, quantités largement supérieures à celles de nombreuses racines. L’oignon jaune sec est une base incontournable dans plusieurs traditions culinaires. Son origine est la même que celle de l’ail, cette fois-ci chez Christian Panissod à Loriol, qui va nous servir de juillet jusqu’au printemps. Plantation en avril/mai pour une récolte estivale, nous ne referons pas le parcours cultural tant il s’apparente à celui de l’ail, avec toujours la nécessité de préserver les rangs de l’envahissement des adventices dominateurs. Christian conserve sa récolte dans de bonnes conditions d’hygrométrie et de température, qui permettent de présenter de très beaux bulbes tard en saison.

Voici un rapide recensement de notre large assortiment, en complément de l’oignon jaune basique : l’oignon rouge rond, celui allongé dit « de Simiane », le blanc plat, les tresses d’oignon de Roscoff AOP et les bottes de cébette qui sont à l’oignon ce qu’est l’aillet à l’ail (ouf). Il faut s’arrêter sur l’oignon doux de Provence que vous trouvez sur nos bancs de septembre jusqu’à décembre parfois. Il provient d’une très ancienne famille de maraîchers qui, de génération en génération, se transmet la semence produite sur place, dans le petit village cévenol de Saint-André-de-Majencoules. Ce bulbe est ainsi intimement relié à la terre qui le porte, devenant une variété aux caractéristiques particulières, de celles que l’on nomme « population ». Et quel caractère, puisque c’est celui de l’oignon doux des Cévennes : une très grande douceur, du jus sans amertume, une belle robe nacrée. C’est cru et en salade qu’il donnera tous ses arômes, mais il s’incorpore également très bien à des préparations cuites.

 

Venons-en enfin à l’échalote, celle de Christian Panissod, la vraie, qui n’usurpe pas le titre puisque plantée (et non semée), comme le veut la tradition… Cette opposition plantation/semis n’est guère connue que des professionnels, des jardiniers ou des amateurs. En premier lieu, elle se traduit pour les consommateurs que nous sommes par un prix de vente nettement plus élevé pour celle née d’un plant. Et pour cause, la semence d’échalote a été mise en circulation assez récemment par un obtenteur hollandais : le semis permet d’appliquer à la culture de ce bulbe allongé des moyens mécanisés qui réduisent les coûts, avec une meilleure productivité à la clé… Et bien entendu une valeur moindre tant en sous qu’en bouche… Les tenants de la tradition française déplorent la légalisation de l’appellation « échalote » accordée à ce qui n’est pour eux finalement qu’une contrefaçon, un échalion… Christian Panissod perpétue la règle et s’accommode de toutes ses difficultés : plantation et récolte manuelles, paillage des buttes, pré-séchage au soleil avec des récoltes pas toujours régulières… Celle de 2019 a été bonne et nous la suivons toujours en ce début mars.

 

Peut-on se passer d’ail et d’oignon ? Bien sûr, comme on peut le faire du vin, du fromage, des olives et de la moutarde… Mais est-ce bien raisonnable ? Allez, sortons nos mouchoirs et la soupière ! On va, en attendant les salades printanières, se préparer une bonne soupe, de celles qui se buvaient aux petits matins nuptiaux du siècle dernier. Vivement qu’on pleure !

Alain Poulet