L’antigaspi, ça CLAC !

À votre avis, que deviennent les légumes bio ultramoches ? Les carottes fendues jusqu’au trognon, les betteraves déformées, les courgettes explosées ? Mais aussi les potimarrons trop petits, les champignons ridicules et les butternuts de la taille d’une poire Williams ? Et bien, rien. On les jette ou on les donne aux cochons. Juste parce qu’ils ne sont pas assez gros, ou pas assez beaux. Alors qu’ils sont si bons ! Pour les sauver, Julien a créé la conserverie CLAC ! Il nous régale… et nous raconte.

Son histoire est celle du cheminement logique d’un ingénieur agronome formé à servir l’industrie agroalimentaire et qui finit par s’en détourner. En quête de sens et agacé par la priorité accordée au local sur le bio car considérant que l’un ne doit pas aller sans l’autre, il décide de créer sa Conserverie Locale, Artisanale et Créative. Ses amis maraîchers le lui avaient glissé en rigolant lors d’une récolte de carottes, dont une bonne partie, grosses et moches, avaient été écartées : « on attend qu’un mec crée une conserverie pour ne plus les jeter ! ». Le mec c’est Julien, donc, et le voilà qui se lance solo en 2016 dans une aventure qui démarre, comme il se doit, dans une toute petite cuisine avec deux kilos de carottes (moches).

« En Auvergne, on n’a pas d’olives, mais on a des idées ! »

Le mec est auvergnat. Et en Auvergne, on a des légumes certes, mais aussi de somptueux fromages. Fourme d’Ambert, Cantal, chèvre frais… Julien décide d’organiser leur rencontre et célèbre le mariage de la carotte et du bleu d’Auvergne dans une délicieuse mousse à tartiner. Une alternative à la tapenade 100 % bio, locale, antigaspi et artisanale : pari tenu !

Julien est fils de cuisinier et passionné de conserves. Une passion transmise par sa grand-mère, qui mettait tout son jardin en bocaux et profitait à longueur d’année des trésors de son potager. Il ne manque pas d’idées pour accommoder tous les légumes bio et moches des alentours, et crée des recettes avec beaucoup de fluidité, en fonction des arrivages. Le terroir rend les choses possibles, pas l’inverse ! Et quand il n’y a plus du tout de légumes fendus, énormes, minuscules ou boursouflés, allez, il en accepte d’un peu moins moches…

Solo pendant de longs mois, Julien finit par prendre des stagiaires puis s’associe avec Baptiste. Aujourd’hui, sa conserverie fait travailler six personnes à temps plein et trois apprentis. Ils exécutent à la main ce que les machines font moins bien, comme l’épluchage, et leur laissent volontiers les tâches calibrées, comme le dosage.

Des légumes frais !

Le saviez-vous ? Bien souvent, dans les conserves, il y a des légumes qui ont d’abord été… surgelés. Oui, même en bio. Fou de penser qu’une telle dépense énergétique est mise à contribution simplement pour pouvoir répondre à nos besoins toute l’année. Pas de ça chez CLAC !, qui ne travaille qu’avec des légumes frais et de saison. Cela implique pour la conserverie de s’adapter en temps réel à des récoltes pouvant être précoces ou tardives, mais aussi de stocker des milliers de pots après chaque production. Et quand il n’y a plus de « Courgette, chèvre, miel » on fait comme grand-maman : on attend l’été suivant.

Ces légumes sont cultivés par l’association AUVABIO, qui réunit quarante fermes du territoire auvergnat. Elles mutualisent la planification des récoltes et leur commercialisation. En indiquant ses besoins un an à l’avance, Julien permet aux producteurs d’être rassurés sur le fait que leurs légumes déclassés ne finiront pas au compost.

Stockés au frais, les légumes sont épluchés et cuits dans des marmites à peine plus grandes qu’à la maison. Ils sont mixés avec les autres ingrédients (du fromage, mais pas forcément : des versions végétales aux légumineuses existent également) et liés avec un peu de farine de riz de Camargue. Puis, direction de petits autoclaves pour juste ce qu’il faut de temps passé à la bonne température. Sécuriser la conserve sans surcuire le produit, c’est la science du conserveur. Julien la maîtrise au degré et à la minute près.
CLAC ! est installée dans les locaux d’une ancienne boîte de nuit. Comme ça fait un peu trop longtemps que ses murs tremblent sous l’action des autoclaves plutôt que de la sono, l’équipe de la conserverie a un nouveau projet : ouvrir la Guinguette CLAC !, sorte de bar-resto-labo d’idées créatives. Si vous passez par Cournon d’Auvergne, venez donc y manger une tartine après avoir rempli votre panier à Satoriz Aubière !

Ces tartinables, j’en fais quoi ?

– C’est l’apéro parfait pour changer du guacamole ou de la tapenade. Avec du pain grillé, des gressins, des tortillas…
– En tartine, c’est un délicieux repas sur le pouce.
– Si on a le temps, on passe les tartines au four : une couche de tartinable aux lentilles et aux épices indiennes + une couche de fromage râpé, miam…
– On passe en mode créatif en remplaçant la sauce tomate sur un fond de pizza ou dans des pâtes. « Courgette, chèvre, miel » ou « Betterave, balsamique, carvi » sont tout indiquées pour cela.