Le premier chewing-gum bio

Si on nous avait prédit que nous en viendrions à disserter sur le chewing-gum… Non pas que la substance soit honteuse, elle a sa fonction. Détendre, déstresser… Stresser les autres… Mais coupable d’incarner l’american way of live à elle seule, on était pour le moins peu enclin à en vanter les mérites. Mérites d’ailleurs jusque-là majoritairement pétrochimiques, même auréolés de pseudo-arguments diététiques.

Si les choses changent pour nous aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’on lui a soudain découvert d’irrésistibles vertus. Ce n’est pas non plus parce que ce fameux cool-symbole de la domination américaine aurait perdu de sa superbe au profit d’autres denrées infiniment plus cyniques, ce qui est pourtant le cas. C’est juste parce qu’on a retrouvé le chewing-gum sous sa forme originelle, sympathique, produit par les gens qui doivent le produire.

mexico_mapCommençons par rappeler l’histoire de la pâte à mâcher. Qui commence forcément chez les Chinois, puis s’affirme avec les Grecs, lesquels mâchouillaient volontiers une résine, le mastic. Les Finlandais avaient semble-t-il également une manie comparable. Accessoirement, l’art de mâcher s’est aussi développé en Indes, où on chiquait le bétel, dans les Andes avec de la feuille de coca, en Amazonie avec le tabac. Mais l’usage du chewing-gum à proprement parler est né avec le « chicle », dans la forêt tropicale du Yucatan, une presqu’île du Mexique, berceau de la civilisation Maya. Le chicle est une préparation obtenue à partir de la sève d’un arbre, le sapotier, qu’on fait simplement bouillir. On appelle aussi cette substance le latex blanc, laquelle était appréciée pour ses qualités élastiques, notamment en bouche. Les Américains l’ont découvert de manière détournée par l’entremise de l’ancien président du Mexique, le Général Santa Anna, lorsqu’il se trouva en Exil aux États-Unis. C’est lui qui aurait fourni un stock de 250 kg de chicle à celui qu’on considère comme l’inventeur du chewing-gum, Thomas Adams.

Thomas Adams a commencé par imaginer une utilité industrielle à ce chicle. Il espérait pouvoir le vulcaniser pour obtenir du caoutchouc, une matière qui était utilisée à l’époque pour faire des bottes et fabriquer les premiers pneus – pleins – des vélos. S’il avait réussi, la proximité du latex blanc aurait été un avantage par rapport au latex amazonien, plus lointain. Mais comme il n’y parvint pas, il fut tenté de jeter son stock, quand… l’idée de le commercialiser comme pâte à mâcher l’illumina en 1871, ce qui fit sa fortune.
Le chewing-gum est donc bien à l’origine une pâte naturelle, mais il ne l’est pas resté. Son succès a incité les fabricants à utiliser les matières premières les plus abondantes, le pétrole au hasard pour la gomme de base, les arômes et autres sucres de synthèse pour le reste.

La bonne idée consiste aujourd’hui à retourner à la gomme de départ, avec une petite différence toutefois : ce ne seront pas des industriels étrangers qui la commercialiseront, mais ceux qui la produisent, les Chicleros du Yucatan.

foto_chicleroCes Chicleros se sont donc mobilisés pour créer un consortium de 26 coopératives, afin de regrouper les 2 000 producteurs de chicle et leurs familles. Ils ont également décidé de fabriquer eux-mêmes le chewing-gum et de répartir les gains de manière équitable. Un Chicleros est ainsi rétribué 6 fois plus grâce à la vente du produit fini qu’avec la simple production de la matière première. La structure contrôle tout, de la récolte sur les arbres à la préparation du chicle, puis la commercialisation de ce qui est devenu le premier véritable chewing-gum bio. Il est aujourd’hui disponible, c’est le Chicza.

Ce Chicza constitue un enjeu à bien des niveaux. Pour les Chicleros, on l’a vu. Pour la pérennité de la forêt tropicale, aussi. Si la forêt est préservée en cette région, c’est parce qu’elle est habitée. Ailleurs, elle disparaît au profit de l’élevage et de l’agriculture. Notons que la récolte du latex ne nuit pas à l’arbre, qui peut donner pendant 300 ans pour peu qu’on prenne soin de ne le ponctionner que tous les 7 ans, ce qui est le cas.

chicza4

Et puis il y a la finalité du Chicza, à comparer avec toute autre pâte à mâcher ordinaire. Car le chewing-gum industriel, c’est au bout du compte du plastique qui s’accumule sous les tables des écoliers ou sur les trottoirs de nos villes*, après être passé par la bouche de nos enfants. Lesquels ingèrent quotidiennement dans la foulée les peu recommandables arômes, édulcorants de synthèse et antioxydants**.

*   pour la France, 300 000 tonnes par année
** concernant les chewing-gums : E320, BHA, BHT, tous trois suspectés d’être cancérigènes.

Le Chicza, lui, est entièrement biodégradable, car 100 % naturel. Il est édulcoré au sucre de canne bio et au sirop d’agave, aromatisé sur place avec des arômes bio de menthe, menthe verte ou de citron vert. Soulagement pour parents et éducateurs : il ne permet pas de faire des bulles… Satisfaction pour tous : il se mastique avec plaisir et ne se désagrège pas en bouche.

JM

chicza1chicza2chicza3