Le thé matcha japonais, objet culinaire très identifié !

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La poudre de thé matcha ne s’infuse pas mais se déguste entièrement, battue dans un petit bol avec de l’eau chaude. La boisson nappe le palais, la sensation est d’abord douce, puis ronde avant de laisser poindre une note d’amertume. Le goût frais et vif évoque des herbes ou des algues, voire du chocolat noir… Ce sont les tanins du matcha qui donnent cette impression, soutenus par l’umami, « sixième saveur » qui contient toutes les autres et les propulse en avant. Rien que ça ?!

Un goût unique en son genre, une provenance qui fait sens, des usages codifiés : le thé matcha japonais n’est pas un produit comme les autres. Plus encore, il y a le vrai… et le faux. Explications en compagnie de Michel Pryet, dirigeant de la société Aromandise, qui commercialise le matcha sélectionné par Satoriz.

Le thé matcha au Japon

matcha2Aromandise travaille depuis plus de vingt ans avec des cultivateurs-producteurs de thé matcha de la région d’Uji, dans le centre du Japon. La région, berceau de la culture et de la transformation du thé vert, ne délivre pourtant que 3 ou 4% de la production nippone, le principal étant localisé du côté de Shizuoka, sur la côte Pacifique. Nous nous situons donc dans la région de l’excellence du thé vert.

Peu enclins à faire confiance à un système de certification, les Japonais privilégient les échanges interpersonnels et le concept de “produit bio” ne leur parle pas beaucoup. Le thé vert bio ne représente ainsi qu’1% de la production japonaise. Le modèle dominant y est celui des petites exploitations conventionnelles, inféodées à des centres techniques dont les usages sont ceux de l’agriculture industrielle : engrais de synthèse faisant augmenter les composants azotés, qui attirent les insectes, eux-mêmes dégommés à grands coups de pesticides… Dans la famille Nagata partenaire d’Aromandise, je demande le grand-père, désespéré par cette logique de production au point de quitter le système et d’acheter ses propres parcelles, les cultiver en bio et regrouper d’autres cultivateurs dans une association de producteurs. C’est lui qui mit au point les techniques culturales bio pour le thé japonais dans les années 1970. Le rendement est moindre et la production plus délicate qu’en conventionnel, car les insectes raffolent littéralement des théiers. Mais la région d’Uji présente des avantages incomparables : un climat subtropical aux hivers doux et des collines tournées vers l’intérieur du pays, protégées des influences océaniques. La qualité et le goût sont donc au rendez-vous.

matcha4L’histoire du thé vert au Japon est liée à l’importation du bouddhisme de Chine au viie siècle. Les moines zen avaient apporté avec eux le thé comme accessoire indissociable de leur pratique méditative, qui leur permettait de demeurer éveillés… et réveillés ! La légende raconte que Bodhidharma s’était coupé les paupières pour ne pas tomber dans le sommeil durant la méditation et que celles-ci, en tombant sur le sol, ont fait pousser une plante que l’on appela « cha » (“thé”, en japonais et en chinois). Au départ utilisé au Japon sous la forme de solides briques de feuilles fermentées et agglomérées, le thé vert devint poudre au Moyen-Age, sous l’influence du moine Eisai. C’est lui qui posa les bases du bouddhisme zen au Japon et définit le thé matcha comme l’un de ses principaux éléments et la spécificité du peuple japonais, les Chinois lui ayant préféré l’usage de feuilles entières, jugées plus pratiques. Les samouraïs comme l’aristocratie nippone en firent un élément indissociable de leur culture respective, les uns privilégiant l’art du dépouillement, les autres celui de la sophistication. Aujourd’hui encore, le thé matcha se situe à l’articulation entre les deux. Symbole de pureté, de calme et de sobriété, sa dégustation cérémonieuse est empreinte d’une dimension spirituelle, appelle à la méditation et à l’appréciation de l’instant présent. Ce qui n’est pas sans évoquer certaines techniques très en vogue par les temps qui courent…

matcha6Sur ces bases, les Japonais inventèrent plus tard le sencha, un mode de culture et de préparation du thé vert fidèle à leurs propres besoins. Au Japon, le thé matcha certifié n’est pas simplement un thé vert moulu, sa culture et sa production en sont distinctes. Les arbustes destinés à la production du matcha sont couverts par des filets d’ombrage qui freinent la transformation des acides aminés en tanins, responsables de l’amertume. Tiges et pétioles sont enlevés de manière à ce que le limbe de la feuille prédomine. Particularité japonaise : dès la récolte, les feuilles passent rapidement dans un bain de vapeur (et non à la cuisson au wok – spécialité chinoise…) qui stoppe leur fermentation. Puis on met en œuvre six opérations successives de déshumidification et de flétrissage. Contrairement aux feuilles de thé vert lambda, celles destinées au matcha ne sont pas malaxées. Une fois le bon degré d’humidité atteint, elles sont délicatement moulues pour ne pas chauffer la poudre et obtenir le résultat le plus fin possible. Enfin, il y a matcha et matcha. C’est la nature de la récolte et la préparation des feuilles qui font la différence entre les qualités de thé. Celui destiné à la cérémonie, contenant la première récolte, est plus sucré, d’un vert très flashy.

matcha3Peut-on vendre un thé vert moulu comme s’il s’agissait de thé matcha ? Au Japon, non. En France, oui, car l’appellation n’est pas protégée. N’importe quel fabricant peut donc vendre une poudre de thé vert issu de feuilles d’arbustes non couverts, de deuxième ou troisième récolte, malaxées avant mouture. Il y a définitivement matcha et matcha… Le thé que propose Aromandise est un véritable matcha (ouf !), bio (re-ouf !) et dont le rapport qualité-prix est adapté aux usages européens. Sans être trop haut de gamme , il convient pour la cérémonie du thé et fait merveille en cuisine et en pâtisserie. En clair, il se dilue facilement, mousse bien lorsqu’il est battu : il est tout terrain !

 

Matcha et santé

matcha5Plus qu’une boisson, le thé matcha est un aliment que l’on ingère en totalité. On absorbe ainsi environ cinq fois plus de composants nutritionnels que lors d’une simple infusion. Ni fermenté ni oxydé, le thé matcha contient un antioxydant de la famille des tanins, l’EpiGalloCatechine Galate (EGCG) dont la concentration est particulièrement élevée. Il est très riche en acides-aminés aux vertus stimulantes sur la mémoire et la concentration. Traditionnellement consommé au Japon par les étudiants pour lutter contre la fatigue mentale et physique, on dit qu’il donne les idées claires. Il a une son action directe sur les cellules nerveuses du cerveau comme de l’intestin, « second cerveau » et favorise la digestion.

Comme tous les thés, le matcha contient un peu de caféine. Combinée aux tanins, elle n’agit pas comme celle du café : pas de coup de boost immédiat, mais un effet tonifiant décalé dans le temps et souvent mieux toléré par les personnes sensibles. Toutefois, il est plutôt déconseillé de consommer du matcha le soir et d’en donner aux jeunes enfants. Il est également préférable de ne pas trop le chauffer, et si possible de l’ajouter cru dans les préparations qui le permettent, afin de profiter de sa teneur en vitamine A et en fer.

Le thé matcha est un produit fragile et sensible à l’oxydation, à placer au réfrigérateur dans son sachet bien refermé. Comme une épice moulue, on le conserve au maximum 6 mois après ouverture pour profiter de sa saveur intacte.

CC