Le vinaigre de cidre

Vinaigre de cidreVous allez finir par ne plus nous croire, mais… Ce vinaigre de cidre est un produit d’exception. Encore un ? Encore un !

Il n’est pourtant pas encore vraiment « branché », le vinaigre de cidre. Surtout si l’on compare sa notoriété à celle du fameux vinaigre balsamique, au hasard. Il a cependant acquis au fil des ans une jolie petite réputation qui évolue tout bonnement vers les sommets avec les bouteilles des Coteaux Nantais, en attendant l’apothéose. Si, si, vous allez voir !

vinaigre6On passe sur l’histoire, les Romains, bla bla bla, qui forcément en consommaient, bla bla bla, pour s’arrêter sur son utilisation en Normandie ou en Bretagne, pays de pommes s’il en est. En rapportant cette petite anecdote : dans les campagnes, Madame mettait du « cidre » dans les salades… Aimable coquetterie pour ne pas sous-entendre que le cidre élaboré par Monsieur avait tourné… Comme pour éviter, vous l’avez compris, de l’appeler « vinaigre », produit réputé de peu de noblesse avant que la gastronomie ne s’en empare. Histoire aussi de ne pas commettre de contresens, pourrait-on ajouter, puisque notre breuvage n’est pas stricto sensu un « vin-aigre » mais du « cidre-aigre ». Non mais ! Puis on redécouvrit le vinaigre de cidre pour ses arômes subtils, bienvenus avec salades, poissons et crustacés notamment, et ses grandes vertus qui en font le produit incontournable des amateurs de cure au printemps, de la santé toute l’année et des solutions douces aux maux du quotidien.

Encore faut-il que ce vinaigre soit aussi vrai que bon, ce qui dépend en premier lieu de la qualité des pommes, bravo aux fins limiers qui l’avait pressenti. Les pommes bio, c’est la spécialité des Coteaux Nantais. Une société qui en produit sur une centaine d’hectares, ce qui suffit à peine pour ce que vous consommez… La pomme, c’est la culture difficile par excellence. Toujours à la merci de pépins météorologiques, d’attaques de bestioles, de parasites. Autant d’aléas qui transformeraient cette activité en cauchemar si elle n’était pas sous-tendue par la passion de ceux qui la pratiquent, et c’est peu de le dire : ici, du matin au soir et parfois la nuit, on évalue, on anticipe le temps en confrontant les sources, on guette la feuille humide, on observe les rosiers placés en début de rang pour détecter les attaques, et on cherche des solutions dans les subtiles méthodes bio-dynamistes qui servent de guide à la production. Ces méthodes, il arrive aussi qu’on les mette au point, avant de les faire partager à d’autres. Les pommes qui en résultent sont aujourd’hui réputées, elles le méritent. Les plus belles régalent en pommes à couteaux, les petites sont transformées en jus ou compotes, et celles qui ont subi quelques menus chocs sont orientées vers le vinaigre. Ce sont donc de vrais bons fruits, pas des résidus.

vinaigre4      En début de rang, un rosier.
En cas d’attaques, il sera le premier touché.
Il sera alors possible d’anticiper
pour protéger les pommiers.

vinaigre5

Ces pommes sont destinées au vinaigre. De vrais beaux fruits !

Ces fruits sont écrasés entre plusieurs rouleaux successifs, toujours plus pesants, puissants et pressants. Jusqu’à ce jus qui deviendra cidre puis vinaigre, suite à deux fermentations bien distinctes.

La première est alcoolique. Plus le jus est sucré, plus le cidre sera alcoolisé. Et plus le cidre sera alcoolisé, plus il aura de chances d’arriver à se transformer en véritable vinaigre. C’est pourquoi Michel Delhommeau, le grand maître vinaigrier de la maison, prend soin de contrôler régulièrement la fermentation du cidre jusqu’à obtenir le taux d’alcool idéal, entre 5,3 et 6.5 degrés. De trois semaines à trois mois sont nécessaires pour y parvenir, puis on arrive à la fermentation acétique.

Ça n’a l’air de rien ! Et c’est pourtant ce qui fait du vinaigre des Coteaux Nantais un produit unique. Avant de voir en quoi, essayons de décrire tout ce qu’il n’est pas…

Ce vinaigre n’est pas exactement celui que l’on trouvait autrefois dans les fermes, issu d’une évolution aléatoire et incomplète du cidre. Des vinaigres fermiers qui, aussi artisanaux et plaisants qu’ils fussent, conservaient en général de 3 à 5 degrés d’alcool et ne dépassaient que rarement les 3,5 degrés d’acide acétique. Ce qui est bien insuffisant, ne serait-ce qu’aux yeux de la réglementation qui exige qu’un condiment atteigne le taux de 5 degrés acétiques pour mériter le nom de vinaigre. Dommage pour ces productions. Mais comment parvenir à ces fameux 5 degrés ?

En conventionnel comme fréquemment en bio, on provoque la fermentation acétique en ajoutant des enzymes. En à peine 30 heures, c’est plié ! On est malheureusement loin des fermentations longues, qui, pour le vinaigre comme pour le pain, sont les garants de produits vivants de grande qualité. Mais pour obtenir une fermentation longue sur le vinaigre, c’est toute une histoire… Une histoire qui dure de 21 à 23 jours, et que les Coteaux Nantais sont certainement les seuls à vivre, non sans y consacrer beaucoup de temps et d’énergie… Voici comment cela se passe.

Pour démarrer une fermentation acétique, il faut ce que l’on appelle « une mère ». Il s’agit de bactéries, multiples et changeantes, qui transforment le cidre en vinaigre. Cette mère est très exigeante et demande à être abreuvée d’alcool au quotidien… C’est sa nourriture ! Si on l’en prive, elle meurt. Comme la mère idéale est rare et difficile à obtenir, on fait tout pour qu’elle ne meurt pas… Celle des Coteaux Nantais vit et se régénère depuis plus 20 ans, comme un bon levain. Voilà donc notre vinaigrier obligé de soutirer tous les jours 200 litres de vinaigre dans chacun des 3 « acétateurs » de l’entreprise, et d’y rajouter autant de cidre, qui nourrira la mère en continu. Un travail qui n’est pas si simple et qui demande une attention constante pour que tout l’édifice ne s’écroule pas. On exagère ? Pendant une décennie, Michel s’est levé la nuit pour intervenir, parfois même à plusieurs reprises. Il continue de rendre visite à sa production tous les jours, samedi et dimanche compris. Avec 20 ans d’expé-rience, il arrive aujourd’hui à se faire remplacer pendant les vacances, ou en cas de mariage… Quel luxe !

vinaigre3Fini ? Ce serait presque trop beau… Le vinaigre obtenu est bien riche de ses 5,3 degrés d’acide acétique. On le peaufine dans de très belles cuves en chêne, récupérées dans le Bordelais, qui embellissent ses arômes. Mais pour être stable, il faut le filtrer, à deux reprises… Encore une drôle d’aventure. Une histoire qui aurait pu mal se terminer lors de sa mise au point, tant les spécialistes européens en la matière échouaient à trouver l’outil nécessaire à cette étape. Pour l’anecdote, la première société à s’être cassé le nez sur le sujet s’appelait Satoruz… Les cartouches filtrantes saturaient les unes après les autres et ce n’est que par erreur, comme cela arrive parfois, qu’une solution fut trouvée.

Notre vinaigre de cidre est prêt à être embouteillé, prêt à la consommation. Vous noterez qu’il n’a pas été pasteurisé. Il est donc un produit vivant, qui évoluera favorablement au fil des mois, contrairement à tout vinaigre chauffé ou obtenu par fermentation enzymatique.

Toutes ces précautions, toutes ces exigences de fabrication quasi ascétiques ne sont pas vaines, on l’imagine volontiers. La qualité des fruits, la durée des fermentations et le respect du caractère vivant d’un tel condiment ont en premier lieu une forte incidence sur ses arômes, à la fois bien présents et délicats. De nombreux chefs cuisinent avec le vinaigre de cidre des Coteaux Nantais. On ne s’étonnera pas non plus que ce vinaigre se montre efficace et très prisé pour toutes les cures. De toujours plus nombreux adeptes ne s’y trompent pas, partout en Europe. On s’amusera d’apprendre que les Coteaux Nantais utilisent eux-mêmes leur vinaigre en culture pour renforcer leurs arbres, poiriers et… pommiers. Juste retour des choses ! Et on s’autorisera l’évocation d’un épisode qui ne laisse pas indifférent.

vinaigre2

Le vinaigre de cidre est réputé pour son action fortifiante. Elle s’exprime de manière très convaincante en élevage conventionnel de volailles et de porcs. Pour les poulets et dindes par exemple, l’ajout de vinaigre de cidre dans l’eau de boisson des poulaillers permet de réduire de 50 % la mortalité lors des « coups de chaud », toujours importante dans ces univers confinés. Une expérience menée dans un élevage de dindes a mis en évidence un fait tout aussi convaincant : en leur donnant du vinaigre de cidre, il a été possible de diviser par 10 la quantité d’antibiotiques qu’on leur administrait… Pour couronner l’expérience, voici la preuve inversée par le porte-monnaie. Il existe des vinaigres de cidre moins chers que celui des Coteaux Nantais. Forcément, dans un contexte d’élevage intensif, ils furent testés. Résultats ? Aucun ! L’éleveur les a vite abandonnés. Était-ce parce qu’ils étaient pasteurisés ?

Voilà, l’auteur de ces lignes est tout étonné de s’être si longuement laissé aller sur un sujet comme le vinaigre… Mais à la réflexion, pas tant que ça. Ici comme ailleurs, c’est la beauté du travail bien fait qui séduit, puis qui grise. Alors, ce vinaigre de cidre, ira-t-on, après le citron, jusqu’à vous le proposer comme nouveau thème pour vos poèmes ?

À vous lire…

vinaigre1

JM