Il y a quelques années de cela, Sat’info nous emmenait en reportage en Autriche pour découvrir la récolte des graines de courge. Un sport fort répandu en Styrie, région proche de la frontière tchèque qui donne son nom à la variété de courge semée uniquement pour en récolter les pépins, la Styriaca. Cette courge autrichienne a certaines caractéristiques majeures : elle donne très peu de chair et beaucoup de pépins. Et ces pépins sont bons, très bons, meilleurs que n’importe quels autres pépins de courge ! Aujourd’hui on les récolte en France, pour notre plus grande joie.
Origine poitevine
Historiquement, les Autrichiens cultivaient ces courges uniquement pour en faire de l’huile – l’huile de pépins de courge, délicieuse. Puis, l’Autriche comme le reste du monde a assisté à l’engouement autour des graines de courge et s’est mise à les commercialiser telles quelles. D’autres pays, comme la Chine, se sont intéressés à leur culture, mais avec des variétés moins goûteuses et moins craquantes. Et la France, dans tout ça ?
Ben voilà, on y est ! Satoriz a le plaisir de commercialiser depuis peu des graines de courge d’origine poitevine. En 2017, curieux de diversifier sa production, Augustin de la Grandière, agriculteur bio poitevin, se rend en Autriche. Il revient avec l’envie de semer un demi-hectare, puis dix, puis trente. Il s’associe avec un collègue pour l’achat de la machine permettant de les récolter (nous y reviendrons !). Aujourd’hui, 16 producteurs situés dans la même région cultivent ces graines sur plus de 900 hectares : ce n’est pas rien ! Outre le matériel de récolte, les machines de lavage, séchage et tri sont mutualisées. Rien n’aurait été possible sans cet effort collectif.
Autre effort à fournir : l’adaptation des semences autrichiennes au terroir du Poitou. Deux variétés ont été sélectionnées pour s’y acclimater. Pour ces courges peu gourmandes en intrants et en azote, le climat océanique est tout indiqué. Si elles se plaisent chez nous ? Beaucoup, semble-t-il, car leur goût est encore plus marqué que celui des graines autrichiennes !
L’abeille et le tracteur
Les semis débutent mi-mai. En juillet, les abeilles se plaisent à butiner les grandes fleurs jaunes qui ont envahi le champ. À la fin août, les courges ont fini de grossir et commencent doucement à dépérir. C’est à cette période que les graines grossissent en se nourrissant de la chair du fruit, jusqu’à occuper la majorité de l’espace en son sein. Vient le moment de la récolte.
On commence par regrouper les courges en lignes, pour former un damier géant. Puis c’est le tour du tracteur et de sa machine de récolte des pépins : imaginez une sorte de hérisson rotatif qui passe au-dessus de ces files de courges, pique les fruits et les avale. Jusque-là, tout est normal. Mais la machine sait garder pour elle les graines libérées de toute pulpe, avant de recracher dans les airs en pétaradant de gros lambeaux de chair déchiquetée qui s’écrasent au sol. Ce retour au champ joue un rôle majeur dans son enrichissement : la terre est prête à accueillir d’autres cultures plus gourmandes, comme les céréales, cultivées en rotation par les agriculteurs bio.
Extrêmement humides après récolte, les graines doivent être rapidement emmenées au séchage. Cela se passe à Usson du Poitou, au centre de la zone de culture. Ensuite, les graines sont acheminées à Genouillé pour y être nettoyées et triées dans un lieu nommé Écolience. Ouvrons une large parenthèse, car l’endroit le mérite. Au milieu de nulle part, sous un même toit, sont réunis une douzaine d’ateliers de transformation : huilerie artisanale, moulin équipé de meules de pierre Astrié, boulangerie, biscuiterie, fabrique de pâtes, microbrasserie… et une chaîne de tri et de décorticage de céréales et oléagineux. Tout cela réuni pour que la matière parcourt le moins de distance possible : dans ce vivier du bio où l’on rencontre plus de 400 producteurs certifiés dans un rayon de 40 km, il eût été dommage de ne pas mettre en mouvement une économie circulaire. Les produits transformés sont donc vendus en restauration collective et dans les magasins bio de la région – ou transportés en lot chez Satoriz dans le cas des graines de courge. Pour ne rien gâcher, les ateliers émettent très peu de CO2 et les coproduits (comme le son des céréales ou les tourteaux issus de la production d’huile) sont donnés aux animaux à proximité. Notamment les 220 chevrettes poitevines qui mettent l’ambiance devant Écolience ! D’ailleurs, vous pourrez aller les voir à partir de cet été : les ateliers seront visibles depuis l’extérieur.
Nos graines de courge, donc. Les voilà qui passent successivement plusieurs étapes : lavage rapide, séchage lent (12 à 24 heures), brossage (pour enlever la pellicule blanche qui colle à la graine), puis plusieurs tris (adieu, cailloux !). Les voilà prêtes à être déversées dans nos silos de vrac !
Dans l’assiette
On passe donc au plaisir et aux bienfaits que nous apportent ces graines. Les graines de courge sont particulièrement riches en protéines, minéraux, fibres et acides gras, dont les mono et poly-insaturés, parmi lesquels les très recherchés oméga 3. On les apprécie dans les recettes sucrées comme salées :
– Croquées telles quelles, vous connaissez.
– Doucement toastées à la poêle sans matière grasse, elles gonflent, croustillent et révèlent des saveurs exceptionnelles, quelque part entre noisette et pistache.
– Entières, on les parsème sur les salades, soupes, plats de légumes ou de céréales, pâtes, gratins…
– On les ajoute dans nos recettes de muesli et de granola du petit dèj’, dans les yaourts, sur les compotes, le pain maison…
– On les broie avec de l’huile d’olive et les herbes aromatiques du moment pour remplacer les pignons dans une version économique du célèbre pesto.
– On peut les réduire en poudre à l’aide d’un blender, d’un mortier ou d’un moulin électrique. Elles donnent alors une poudre que l’on peut utiliser comme une poudre d’amande. En mélange avec de la farine dans une pâte à pain, gâteau, tarte ou crumble, cette poudre offre un résultat gourmand, savoureux et… vert ! Idéal dans un cake salé aux épinards ou un gâteau au thé matcha, pour rester dans l’ambiance.
– Toastées, écrasées et mélangées à du sel, les graines de courge sont un assaisonnement délicieux pour toutes les assiettes.
CC