Les sirops Bigallet | Authentiquement détournables

Le sucre est pointé du doigt. Avec lui, tout un univers : bonbons, sodas et autres confiseries représentent le mal absolu. Le sirop aussi. Bon, dites, on se doute qu’il vaut mieux ne pas abuser des sucreries, non ? Il n’empêche que, consommé de manière responsable, le sirop est un incontournable vecteur de plaisir, qui réjouit et fédère les tablées. Bien fait, il ne manque pas de qualités. Parce qu’il est concentré, il est économique. Fabriqué de manière responsable, il est écologique. Pour se (re)faire une idée sur le cas du sirop, Sat’info s’est rendu chez Bigallet, siropier isérois depuis 150 ans. Là, on élabore des produits authentiques, avec des fruits de qualité en provenance de filières choisies, grâce à des procédés ancestraux et dans une totale transparence.

Familiale et à taille humaine, l’entreprise Bigallet l’est depuis ses débuts – et ce n’est pas près de changer, nous glisse-t-on. La fabrique est créée en 1872 à Lyon par Félix Bigallet, qui confectionne liqueurs et sirops pour les cafés et les auberges. L’approvisionnement s’effectue alors en voiture à cheval. En 1885, afin de s’agrandir, il installe son entreprise à Virieu-sur-Bourbre, en Isère, terres d’origine de sa famille. L’usine se construit juste en face de la gare du chemin de fer Lyon-Grenoble, où elle est toujours. Pratique à l’époque : le train permettait l’acheminement du vin du sud de la France, des pains de sucre des Antilles, du Rhum de Martinique, des citrons de Sicile, des oranges d’Espagne ou d’Afrique du Nord. L’emplacement demeure symbolique aujourd’hui. La société a prospéré en commercialisant sirops et liqueurs traditionnels auprès des bars et des restaurants de la région. Avec, depuis 1998, une gamme de sirops bio.

Authentiques

La maison Bigallet a toujours fait de son mieux, loin des logiques de formulations industrielles qui sont si souvent de mise dans le domaine des sirops. Elle a développé un savoir-faire unique pour utiliser au mieux les fruits et les plantes, au moyen de macérations et de distillations réalisées sur place. Toutes ces étapes sont très manuelles, notamment la distillation, qui demande une vraie expérience : l’alambic en cuivre est utilisé pour les plantes, les agrumes et la châtaigne.

À chaque fruit, à chaque plante, une méthode spécifique pour révéler au mieux les arômes avec le moins d’artifices possible. C’est avec le sirop de châtaigne que Bigallet a conquis Satoriz. Une révélation, ce sirop : « suave, gentiment râpeux sur les papilles, au plus proche d’un équivalent liquide à la crème de marrons, il est élaboré avec les meilleurs fruits et de manière véritablement artisanale », écrit Sat’info à l’époque.

Extrait du Sat’info de novembre 2017 :

Bigallet se rend chaque mois d’octobre en Ardèche avec ses propres camions pour sélectionner une châtaigne de variété Combale et d’Appellation d’Origine Protégée. Cette châtaigne doit être travaillée dès la récolte, le cahier des charges excluant sa surgélation. Les châtaignes sont versées à la main dans un petit broyeur au réceptacle de bois qui les déchiquette juste ce qu’il faut, afin qu’elles soient ouvertes et donc aptes à infuser. Puis elles sont mises en macération dans un bain d’alcool pendant trois mois, le temps nécessaire pour qu’elles transmettent au maximum leur sucre naturel, leur arôme. Après cette période de macération, l’ensemble alcool-châtaigne est cuit à feu doux dans un petit alambic de 150 L. C’est à ce moment-là que les amidons de la châtaigne se transforment en notes sucrées et que les arômes se développent. On en tire une très bonne infusion, dans laquelle on remettra des châtaignes en macération l’année suivante, histoire de concentrer le goût ; ça ne se fait pas tout seul, un bon sirop ! Enfin, noblesse oblige, on distillera les châtaignes utilisées pour en recueillir « l’esprit », qui ajoutera de la puissance aromatique à la préparation. C’est quasiment de l’orfèvrerie.

Pour le sirop de menthe poivrée, une macération très courte suivie d’une distillation permet là encore de retenir « l’esprit » de la plante, ses arômes les plus volatils. Puis on ajoute un extrait de menthe obtenu chez un distillateur partenaire qui utilise une autre méthode, permettant de retenir d’autres arômes. Cet assemblage donne à ce sirop emblématique toute sa complexité.

Encore un ? La grenadine, classique du genre. Si vous pensiez boire du jus de grenade depuis votre enfance, détrompez-vous : la grenadine conventionnelle est un festival d’arômes de synthèse. Sirop de glucose-fructose, colorants et autres jus de fruits concentrés (fruits rouges, sureau et citron principalement) la recréent artificiellement. Chez Bigallet, on fait venir des baies de cassis bio d’Ardèche. On les verse progressivement dans un grand pressoir qui en exprime le jus. Celui-ci est immédiatement réfrigéré afin d’éviter toute fermentation, puis filtré. Avant d’être mélangé au sirop de sucre, ce jus de cassis est marié à du jus de framboise et à une infusion de vanille. Exigeant jusqu’au bout, Bigallet prépare en interne sa propre macération de gousses de vanille de Madagascar. Il faut un bon mois pour l’obtenir…

La préparation du sirop de sucre nécessite elle aussi beaucoup de savoir-faire, bien qu’elle ne fasse appel qu’à des méthodes simples : ébullition, refroidissement, filtration. Pour sa gamme bio, Bigallet utilise deux sucres différents :
– Du sucre de canne bio brésilien portant le label de commerce équitable « Fair for Life » pour les sirops de châtaigne et de vanille ;
– Du sucre de betterave bio français pour les autres recettes. Local, il présente l’intérêt de ne pas modifier la couleur du sirop. Le sirop de citron est ainsi plus jaune qu’avec du sucre de canne, la menthe moins marron : les puristes apprécieront.

Détournement de sirop

Bien sûr que vous le saviez : dilué avec dix fois son volume d’eau, le sirop donne une boisson fraîche plus économique et moins sucrée qu’un verre de jus d’orange !

Un bon sirop, c’est un concentré de fruits et de sucre. Deux ingrédients qui interviennent dans de nombreuses recettes et que le sirop peut très bien remplacer. Voici quelques pistes pour l’utiliser autrement.
– En coulis sur un fromage blanc, un yaourt, un porridge ;
– Pour donner un goût fruité à un pudding de graines de chia ;
– Pour napper des crêpes ou imbiber un gâteau peu sucré ;
– À la place d’un sucrant liquide (miel, sirop d’érable ou d’agave) dans les recettes de cake, granola, pain d’épices, biscuits, etc. ;
– À la place du sucre pour préparer des compotes (ex : rhubarbe et sirop de framboise) ;
– Le sirop de vanille à la place de l’extrait de vanille liquide (beaucoup plus économique) ;
– Pour aromatiser les sauces, marinades ou vinaigrettes, laquer des aliments (ex : sirop de citron ou pamplemousse) ;
– Pour préparer des esquimaux aux fruits, adoucir les cocktails ou aromatiser un chocolat chaud ou frappé (ex : sirop de menthe).

Réconciliés ?

CC