Localisée à Eurre, dans les paysages vallonnés de la Drôme, la société Val d’Eurre est une institution dans la production, le conditionnement et la commercialisation d’œufs de poules élevées en bio. L’histoire de l’entreprise rappelle d’autres “success stories“ que l’on connait déjà : en 1985, c’est un simple poulailler que possède Monsieur Giovanni, avec des poules en plein air. A l’époque, la pratique est rare à grande échelle et la règlementation bio n’existe pas. Le poulailler devenu gros, M. Giovanni en vient à prendre en charge la commercialisation d’œufs d’autres éleveurs en plus de la sienne. C’est lui qui commercialise en 1994 les premiers œufs bio drômois. Aujourd’hui, Val d’Eurre c’est 150 millions d’œufs vendus chaque année, 85 salariés et plus d’une soixantaine d’éleveurs répartis entre Drôme, Ardèche et Sud Isère. Nous sommes allés à la rencontre de son directeur, Patrice Guillemet, et du technicien Stéphane Gastinel, auxquels nous avons demandé qui, de l’œuf ou la poule… Vous connaissez la suite ! Nous nous sommes rendus ensemble chez Grégory Gorce, éleveur de trois fois trois mille cocottes.
Qu’est-ce qui fait qu’un œuf est bio ?
Patrice Guillemet : Il y a tout un cahier des charges qui définit ce qu’est un œuf bio en opposition à un œuf industriel. Les poules bio (nées bio et nourries en bio depuis leur naissance) doivent être élevées en plein air et disposer de 4 mètres carrés d’espace chacune. Un poulailler bio contient au maximum 3000 poules. Un éleveur peut avoir plusieurs poulaillers, comme c’est le cas ici.
3000 poules, quand on le dit, cela semble énorme ! Pourtant, dans le poulailler où nous nous trouvons, on n’a pas du tout l’impression d’un tel nombre…
Les bâtiments sont très bien conçus et les poules ont vraiment de la place. Elles ont accès toute la journée à un parcours vallonné avec un sol en terre, de l’herbe… Pour 3000 poules, on a 1,2 hectare de terrain. Par comparaison, les poules en cage ont 750 cm² d’espace chacune. Ici, elles peuvent aller et venir comme elles veulent. Mais en vérité, les poules sont comme nous : elles n’aiment pas sortir quand les conditions sont mauvaises, qu’il fasse trop chaud ou trop froid. Elles détestent les intempéries et préfèrent se tenir chaud à l’intérieur, bien qu’elles apprécient un léger crachin ! Les bâtiments sont bien isolés et les poules aiment s’y tenir compagnie. Certaines s’aventurent loin sur le parcours qui leur est dédié, mais beaucoup restent dans leur zone de confort, près des bâtiments. Elles aiment se sentir à l’abri et protégées. Ce sont des oiseaux peureux, sensibles à chaque intrusion, prompts aux mouvements de masse.
Que mangent-elles ?
En bio, on a l’obligation de ce que l’on appelle le « lien au sol ». Une logique toute simple : un éleveur doit en même temps produire la nourriture qui convient à ses poules, en général des céréales. La production est ensuite confiée à une unité de transformation qui mutualise les apports de plusieurs éleveurs de la région et redistribue la nourriture (mélanges de céréales, tourteaux) à tous. Sur l’exploitation que nous visitons ce matin, on fait pousser des céréales, du lavandin et de la vigne.
Pas d’antibios pour les poules bio. Comment sont-elles soignées ?
On leur donne des hépato-protecteurs de manière préventive pour leur confort, et si besoin des remèdes homéopathiques ou phytothérapeutiques pour les risques de bronchite, de virus, ou contre le stress.
Comment fonctionne le partenariat entre Val d’Eurre et les éleveurs ?
Sur la base d’un contrat d’intégration. L’éleveur fournit un bâtiment, de l’eau, de l’électricité et de la main d’œuvre. Val d’Eurre fournit les poules pondeuses, les aliments et le matériel d’emballage. Les œufs sont collectés chez les éleveurs et acheminés vers le centre de conditionnement, où le tri est effectué par un système de mirage, qui permet d’éliminer les œufs micro-fêlés, sales, ou ne respectant pas le cahier des charges.
Juste différents… Certains oeufs avec une coquille très pâle et de petite taille ne plaisent pas au consommateur qui s’attend à avoir toujours un œuf à la coquille plutôt foncée et au calibre moyen. Ils partent donc à la casserie avec laquelle nous travaillons, qui récupère toute la partie liquide de l’œuf et la distribue à des structures de restauration collective ou à des industriels du bio qui la valorisent.
On a en magasin des petits œufs, des œufs moyens, des gros œufs… Simple façon de parler ?
Non, cela répond à des normes très précises ! Les oeufs qui passent le tri sont pesés et mis en boîte en fonction de leur calibre. Un petit œuf pèse moins de 53 grammes, un moyen entre 53 et 63, un gros entre 63 et 73, un très gros entre 73 et 83, et un très très gros… plus de 83 !
Les recettes précisent pourtant rarement le calibre des œufs à utiliser, alors que c’est une donnée cruciale pour ne pas tout rater !
En général, l’absence de précision renvoie à des œufs moyens qui pèsent 60 grammes. Mais les petits œufs sont sympa à utiliser en cuisine, dans des recettes qui nécessitent moins de précision qu’en pâtisserie : omelettes, œufs brouillés, quiches… Et les gros font de superbes œufs à la coque, mollets ou cocotte. Les poules pondent des petits œufs lorsqu’elles sont jeunes, puis la taille des œufs augmente avec l’âge de la poule. Nous encourageons les clients à choisir leurs œufs en fonction de l’usage qu’ils en feront et à varier leurs achats. Il serait dommage de laisser de bons œufs sur le carreau juste du fait de leur taille…
Quelle est la date limite de consommation d’un œuf ?
La règlementation indique une consommation jusqu’à 28 jours à partir de la ponte. Un œuf est dit “extra frais“ pendant 9 jours. La commercialisation de l’œuf extra frais nécessite une logistique adaptée : une récolte très tôt le matin sur l’élevage et un départ de chez nous dans l’après-midi pour qu’il soit en magasin au plus tôt.
En magasin, les œufs sont à température ambiante. Pourtant, nos réfrigérateurs ont un compartiment adapté à leur conservation… Que doit-on faire ?
La bonne température de conservation d’un œuf se situe entre 6 et 18 degrés. Souvent, le frigo est trop froid, mais parfois, la température ambiante est trop élevée… A chacun de juger ce qu’il convient de faire chez lui. II faut simplement garder en tête qu’au frigo, l’œuf a tendance à absorber les odeurs des autres aliments du fait de la porosité de sa coquille. Remarquez, si on les conserve dans une boîte avec quelques truffes blanches, cela peut donner de bonnes omelettes (sans casser les truffes !)…
CC