La purée d’amande est un produit emblématique du circuit bio. Composée de 100% d’amandes broyées, elle offre une alternative aux matières grasses d’origine animale et permet la mise en oeuvre d’une cuisine différente, végéta(r/l)ienne, parfois crue, cette même cuisine qui illustre si bien la différence entre l’approche bio et l’approche classique. La société Perl’amande est une pionnière dans la fabrication de purées d’oléagineux, d’amande en particulier. Sa légitimité s’articule autour d’une histoire, d’un savoir-faire et d’un résultat unique : des purées crues conservant intact le goût du fruit d’origine. La pâte à tartiner chocolat-noisette, quant à elle, est plutôt un produit emblématique du circuit conventionnel, et n’a a priori pas grand-chose à voir avec notre purée d’amande… Pourtant, le grand écart entre les deux n’est pas si impressionnant que cela si l’on considère une pâte à tartiner bio, au hasard la Chocolinette. Certes, on y trouve du sucre et de l’huile, mais le point de départ est identique : des fruits secs (noisettes et noix de cajou) transformés selon une méthode traditionnelle et artisanale par une société dont l’histoire rappelle un peu celle de Perl’amande… Voilà qui rassemble les deux sociétés, au-delà du rachat de Noiseraie par Perl’amande fin 2012.
Petite histoire de Perl’Amande
Perl’Amande est une société née en 1920 dans le berceau de l’amande, à Oraison, petite ville provençale située entre Sisteron et Aix en Provence. Son histoire est étroitement liée à celle de l’amande provençale, qui rythmait à l’époque la vie des habitants du lieu. On y transformait en nougats, calissons, pralines et pâtes d’amandes la production des plateaux de Valensole. Un certain M. Gustave Dejean, artisan local, eut un jour l’idée d’installer une casserie à Oraison pour concasser sur place les amandes, les trier et les conditionner, ou encore les transformer en confitures et pâtes à tartiner vendues dans les épiceries fines. Ce fût la naissance de Perl’amande.
A l’époque, les amandiers étaient plantés au milieu des vignes, des champs de céréales et de lavande. La mécanisation des cultures dans les années 60 causa leur perte : les amandiers, gênant le passage des tracteurs, furent arrachés. Peu de plantations ont survécu, aucune en bio. Perl’amande a donc commencé à s’approvisionner en Italie ou en Espagne avant de passer toute la production en bio dans les années 70.
La différence
Le procédé de fabrication des purées d’oléagineux Perl’amande est inchangé depuis lors. C’est lui qui fait leur spécificité. L’amande contient une petite quantité d’eau. Si on la broie, l’eau et l’huile s’en échappent sans s’émulsionner, donnant une purée non fluide. Pour la rendre homogène, il faut faire diminuer le taux d’humidité des amandes. Pour ce faire, on peut les assécher au feu de bois en les grillant très légèrement, ce qui renforce les arômes et ajoute une légère saveur toastée. Autre choix, celui de Perl’Amande : un procédé original consistant à broyer très finement les amandes sous vide, sans jamais les chauffer. L’eau est aspirée au cours de l’opération et la mouture obtenue est ensuite affinée à la meule de pierre. La purée d’amande est onctueuse, fluide, crue, avec les arômes d’origine du fruit. Elle est légèrement plus granuleuse, moins pâteuse que celle à base de fruits secs toastés au feu de bois. Le produit est dit “de qualité crue”. On note au passage que le toastage permet d’atténuer une éventuelle amertume de l’amande. Impossible ici : chaque livraison d’amandes fait donc l’objet d’un test gustatif, et repart dans l’autre sens si l’amertume n’est pas satisfaisante…
Les matières premières
Aujourd’hui, chez Perl’amande, les amandes viennent d’Espagne, d’Italie, de Californie et de Provence, la noisette d’Italie et de Turquie, le sésame d’Ethiopie, parfois d’Amérique du Sud ou d’Inde, la noix de cajou d’Inde et du Vitenam. La qualité du produit repose avant tout sur celle des matières premières… tout comme leur prix ! Celui de l’amande a augmenté de 30% par an pendant ces trois dernières années, tandis que la noisette a doublé en 2014. Ces hausses du prix des matières premières ont été répercutées sur ceux des produits, ce qui n’a pas échappé aux consommateurs. Bonne nouvelle : l’horizon semble s’éclaircir. Aujourd’hui, 90% des amandes conventionnelles sont produites en Californie et c’est le cours de l’amande californienne qui mène la danse. Il est en forte chute depuis quelques mois et le prix des amandes bio devrait suivre cette tendance baissière.
Par ailleurs, qui dit prix d’or pour l’amande, dit regain d’intérêt pour sa culture… Notamment en France, où des producteurs, soutenus par des entreprises comme Perl’amande, projettent la mise en place d’un plan de culture en Provence et dans le Lubéron. Pas simple… Leur principal ennemi se nomme Erytoma, un insecte ravageur présent en France mais pas en Espagne ni en Italie, et la culture de l’amande est longue à mettre en place (cinq ans entre la plantation et le début des récoltes). En attendant, on peut toujours se réjouir du caractère des amandes siciliennes, moins douces que les provençales – caractère dont profite également le produit… Mamma mia !
Noiseraie Productions
Fin 2012, Perl’amande rachète Noiseraie Productions, dont les fondateurs partent à la retraite. Le couple avait créé l’entreprise en 1991 autour d’une toute petite production familiale de noisettes. C’est dans un coin de leur cuisine qu’ils ont d’abord fabriqué des pralinés, mélange de sucre et de fruits secs (amandes et noisettes) cuits au chaudron, puis broyés finement avant d’être réduits en pâte. Cette spécialité fait depuis ses débuts le bonheur des chefs pâtissiers qui l’utilisent telle quelle, ainsi que des gourmands qui ont adopté Croustinut, praliné à la fois croquant et très fluide. Le même praliné constitue aussi la base de toutes les recettes de pâtes à tartiner cacaotées Noiseraie, notamment la célèbre Chocolinette. Autre spécificité : comme le meilleur des chocolats, toutes les pâtes à tartiner Noiseraie sont conchées sur place. Le conchage est un mélange des ingrédients à chaud dans une grande cuve, plusieurs heures durant, qui permet d’obtenir un produit très homogène et qui ne déphase pas. La plupart des fabricants français de pâte à tartiner ne conchent pas mais se contentent de mélanger, ce qui donne un résultat… différent.
Noiseraie Productions et Perl’amande ont en commun d’avoir été fondées par une seule (ou deux) personne(s) désireuse(s) de perpétuer des méthodes de production artisanales valorisant un produit, amande ou noisette, cultivé sur place. Depuis, les deux entreprises ont dû aller chercher leur matière première ailleurs et moderniser leurs outils, mais sans mettre de côté ce qui fait leur spécificité. Noiseraie est restée de taille artisanale, avec une production organisée autour de onze personnes, toutes en possession des secrets de réussite des pâtes à tartiner. Nous sommes allées les regarder fabriquer la Chocolinette, produit emblématique à la clientèle fidèle : sucre de canne roux, cacao, noisettes (14%), noix de cajou (13%), vanille… Et naturellement vegan, comme tous les produits Noiseraie.
Fabrication de la Chocolinette
La fabrication d’une pâte à tartiner artisanale prend du temps : une étape par jour, pour permettre un repos nécessaire à la préparation entre chaque.
1) La base de tous les produits est la même : fruits secs concassés (noisette et parfois noix de cajou) et sucre de canne blond. Une fois mélangés, les ingrédients patientent jusqu’au lendemain, avant d’être cuits au chaudron pendant 1h à 165 °C environ. L’opérateur, fort de son expérience, arrête la cuisson lorsqu’il a obtenu la bonne couleur : tout est fait au jugé, il n’y a pas vraiment de règle car plusieurs paramètres peuvent influer sur le temps de cuisson – et un courant d’air est vite arrivé !
2) Un poêlon peut accueillir jusqu’à 50 kilos de mélange. Ca sent très bon ! Le goût des fruits secs cuits dans le sucre est proche de celui d’une nougatine, loin de celui du caramel. Les poêlons sont ensuite ventilés toute la nuit pour refroidir le mélange.
3) Le mélange cuit est alors broyé en suivant plusieurs étapes successives. Les broyeuses sont en granit, avec des aspérités qui permettent de casser sans écraser, contrairement à une broyeuse lisse qui écraserait le produit tout en faisant écouler l’huile, que l’on cherche au contraire à conserver. A ce stade, on a donc une fine poudre de praliné.
4) Cette poudre sert de base aux différentes recettes de pâte à tartiner. On lui ajoute des ingrédients ne nécessitant pas de broyage : cacao en poudre ou en beurre, huiles végétales, extrait de vanille… Puis le mélange ainsi obtenu passe à la concheuse. La machine, une impressionnante cuve en fonte vieille d’une bonne cinquantaine d’années, va tourner pendant 17h, de 15h à 8h du matin, à une température ne dépassant pas 35-36 °C.
5) Pour finir, le conditionnement. Le produit ne contenant pas d’eau, il n’y a pas de développement microbien possible. On fait néanmoins le vide d’air grâce à une machine ad hoc. Pour la même raison, il est inutile de stocker les pâtes à tartiner au réfrigérateur, où elles auraient tendance à durcir.
Bonnes tartines !
CC