Un peu tard pour causer agrumes, au mois de mars ? Oh que non ! Chaque chose en son temps, n’est-ce pas ? Eh bien l’heure de l’orange, du citron, du pomelo et de la mandarine, c’est maintenant ! Car si les fruits précoces apaisent nos envies, ceux plus tardifs expriment l’excellence, celle acquise avec les jours. Cette famille des agrumes, des citrus plutôt, si banalement présente dans nos corbeilles, n’est pas aussi monolithique que ça. Nous avons voulu dresser l’inventaire de nos choix, ne serait-ce que pour dissiper quelques malentendus.
Citrus Sinensis : l’orange
Début décembre, voici la précoce Navellina, en vrac ou en filet, d’Espagne et d’Italie. Première née de la grande famille des Navel (nombril) et ainsi nommée pour sa particularité de présenter un embryon de fruit sous le pédoncule, dessinant un n…..l. L’orange bleue, c’est souvent elle quand elle s’amollit puis se couvre d’un voile blanc (micellium) qui devient bleu… ou vert (penicillium). Cette vulnérabilité des oranges est très prégnante en bio, où les traitements post-récolte pratiqués en conventionnel sont interdits. Fin janvier nous parvient la parfaite Washington, la star de la famille, pour la richesse de ses arômes patiemment acquise au verger. Un régal qui ne s’oublie qu’à la dégustation d’autres variétés tardives qui vont se succéder jusqu’à l’été parfois. Citons Lanelate, Navelate, Valencialate et, bijou rare et capricieux, la petite China, variété dont un producteur d’Andalousie nous gratifie parfois de quelques palettes. Pas d’inquiétude, vous serez prévenus…
Il nous faut bien sûr parler des sanguines, ou plutôt de trois types que sont les Tarocco, Moro et Maltaise. Qu’on le sache, les oranges ne naissent pas sanguines, certaines le deviennent, comme les suscitées. Ces variétés sont pleines d’anthocyanes, pigments solubles dont la couleur évolue au fil des semaines avec les amplitudes thermiques ou l’exposition des fruits, pour prendre des teintes allant du rouge au violet le plus profond. Nos fruits se colorent souvent graduellement avec l’avancée de la saison. Mais ceci n’est qu’un attribut, leur typicité est ailleurs : Tarocco, douce, presque sans acidité et molle sous le pouce ; Moro, avec des parfums délicats, tout aussi douce mais plus ferme ; Maltaise, petite et semblable aux autres. On a du mal à bien connaître cette dernière tant elle devient rare (donc chère), en provenance uniquement du terroir de la presqu’île tunisienne du Cap Bon, face à la Sicile. Nous aurons fait le tour de la gamme après avoir évoqué l’Ovale Calabrese, une « fin de saison » résistante qui nous ramène cependant à l’acidité, après de longues semaines de douceur. Elle a ses amateurs…
Citrus limoni : le citron
Il a déjà beaucoup été question de ce fruit dans notre gazette. Vous trouverez de nombreuses informations sur notre site, mot-clé « citron ».
Quelques précisions pourtant sur notre référencement. Pour le citron, nous avons pris le parti de vous proposer le meilleur qui soit, tout au long de l’année et autant que faire se peut…
C’est ainsi que nos bancs sont garnis du citron calabrais IGP de Rocca Imperiale (de décembre/janvier à mai/juin) puis par celui de la baie de Naples, dans le secteur de Sorrente et de l’île de Capri, jusqu’à septembre, voire plus tard. Deux origines haut de gamme, à la hauteur de vos attentes. Le Rocca est de la variété Feminello, tandis que le napolitain est un Ovale di Sorrento. La variété Interdonato est celle qui fait parfois le joint. Une grande confusion règne dans les dénominations utilisées pour les variétés de citrons qui sont souvent mélangées et interverties avec celles des floraisons. Le citronnier, comme d’autres agrumiers, est un arbre à floraisons (donc à fructifications) multiples, toutes poétiquement nommées :
– le primofiore vert (d’octobre à décembre) et d’hiver (de décembre à mars)
– le bianchetto (ou maïolino) d’avril à juin
– le verdello ou citron d’été (de juillet à septembre/octobre). Ce dernier a du mal à jaunir, du fait de l’uniformité des températures estivales.
Pour être clair et précis, Satoriz vous propose en hiver des citrons Feminello de la floraison primofiore (Rocca Imperiale) et pendant l’été des citrons Ovale di Sorrento de la floraison primofiore également.
Citrus clementina : la clémentine
La clémentine est un hybride de la mandarine et de l’orange. Elle a aujourd’hui nettement pris le pas sur sa « mère » la mandarine, qui arrive plus tardivement. C’est un fruit facile, qui s’épluche en deux mouvements et contient rarement des pépins. La nôtre provient essentiellement de la plaine de Sibari, côté ouest du golfe de Tarente en Calabre, tout près d’ailleurs de Rocca Imperiale. Cette origine constitue une Indication Géographique Protégée.
Autre origine et IGP également, la clémentine de Corse, à la peau plus fine et tout aussi sucrée. Ce fruit précoce est à son apogée au coeur des fêtes de fin d’année : il en est le bonbon végétal, juteux, sucré (et sans mystère) qui fait le bonheur des enfants. La saison se termine en janvier avec la variété marocaine Nour (lumière) qui offre des arômes plus riches.
Citrus paradisii : le pomelo
Tout n’est pas clair au sujet de cet hybride issu de l’orange et… du pamplemousse. La méprise est telle aujourd’hui que le « vrai » nom pomelo est abandonné par les professionnels car pas relié au fruit qu’il désigne. Le pamplemousse est lui un agrume de taille respectable, tout en écorce et pratiquement sans jus. Rien à voir avec le pomelo rose qui arrive de Sicile sur nos bancs fin octobre, encore doté de la forte acidité liée à sa précocité.
Peu d’amateurs donc tant qu’il n’évolue pas vers plus de « sociabilité sucrée », ce qui se produit en février avec la production calabraise et surtout à partir de mars avec le fleuron rose de Corse. Nous retrouvons à cette période tout ce qui en fait l’attrait : le sucre bien présent et le fin dosage acidité/amertume, caractère unique. C’est le fruit à creuser qui a sa place en hors d’oeuvre et pour le dessert, ou à presser pour siroter son amertume. Sa présence peut, si le temps est clément, se prolonger jusqu’au mois de juin : les grappes de pomelos (grapefruit en anglais) peuvent rester mûres sur l’arbre de longues semaines, sans voir leur qualité s’altérer. C’est souvent un gros coup de vent ou des pluies diluviennes qui viennent mettre un terme à sa saison.
Citrus reticulata : la mandarine
Les mandarines sont des fruits qui prennent leur temps, et, à une exception près, nous parviennent après les clémentines, ce qui finalement n’est pas plus mal…
L’exception, c’est la fameuse mandarine précoce Satsuma, au rendez-vous d’octobre. Le fruit est prêt à ce moment-là, avec une acidité bien marquée mais agréable. Sa robe est restée du beau vert brillant de la jeunesse, ses pigments n’ayant pas eu le temps de muter vers les tons orange « officiels ». A essayer avant la prise de pouvoir absolu de la clémentine !
Notre mandarine préférée, la Nadorcott, se présente vers la mi-février en provenance de vergers marocains proches de Marrakech. Elle est l’apothéose de la saison, avec une finesse aromatique rarement rencontrée dans d’autres variétés (clémentines incluses), d’un beau calibre, très facile à peler et… presque sans pépins. En effet, c’est une variété dite autogame (autofertile) qui n’a pas besoin de la proximité d’autres variétés pour la pollinisation de ses fleurs. Elle se débrouille toute seule, donc pas de pépins à recracher.
Pour être complet, il nous faut aussi évoquer rapidement quelques espèces plus confidentielles, mais qui font le bonheur des amateurs quand nous en dégottons…
Citrus Aurentium : la bigarade (aussi connue comme orange amère) : Une vedette Outre-Manche, la base de la marmelade.
Citrus Aurentiifolia : le citron vert : La fameuse lime qui n’est en réalité pas un citron. Petit fruit récolté avant sa maturité, donc de couleur chlorophylle. Pour aromatiser la cuisine et la pâtisserie.
Citrus Medica : le cédrat : Alimea en langue corse… Il est difforme, parfois très gros, sans jus et tout en écorce mais il est beau. Et cette écorce nous donne des confiseries, liqueurs et confitures sublimes !
Fortunella margarita : le kumquat : De la taille d’une petite prune, il se consomme entier, avec sa peau, ce qui va amener doucement en bouche une délicate amertume.
Citrus Bergamia : la bergamote : La bergamote sert exclusivement à aromatiser en pâtisserie ou à parfumer en cosmétique. C’est le mariage de ses essences avec le thé qui donne le fameux Earl Grey. Enfin, vous pouvez trouver dès janvier sur nos bancs un beau citron rond, d’un jaune intense, surmonté d’un mamelon. Certains l’appellent citronbergamote. Rien à voir avec une bergamote, c’est bien un citron de terroir marocain, le Beldi, aux arômes puissants et traditionnellement destiné à être confit au sel. Vous le retrouverez souvent dans les vrais tajines maison.
Comme nous ne pouvons prétendre à l’exhaustivité, nous ferons l’impasse sur les innombrables mélanges souvent réussis des membres de cette famille : tangerine, limequat, tacle, clemenville et autres tangelo. Mais soyez vigilants, il n’est pas interdit que vous puissiez en croiser chez nous…
Alain Poulet