Boisson chaudement épicée et aux arômes envoûtants, le Yogi Tea est un produit aussi mystérieux que plébiscité. Retour sur son histoire et son usage avec Atma Singh, importateur français des produits Golden Temple.
Interview : Atma Singh
Les origines
L’histoire de Yogi Tea sonne comme une véritable légende…
A l’origine, il y a Harbhajan Singh, dit Yogi Bhajan, né en Inde en 1929. Ce haut fonctionnaire de l’administration des douanes indiennes a migré aux Etats-Unis en 1969, en pleine période post-Woodstock, pour y enseigner le kundalini yoga. C’était un très grand yogi avec une personnalité – on pourrait dire des « pouvoirs » – hors du commun. Son parcours est exceptionnel : il rencontre le Pape, refuse d’aller à Moscou, envoyé par le gouvernement indien pour partager ses compétences avec le KGB… Exilé aux Etats-Unis, il met au point un programme de désintoxication anti-drogue. On est alors en pleine période hippie, on parle de la paix dans le monde, il y a toute une ambiance, la musique… Yogi Bhajan aidait les hippies à sortir de la drogue sans substituts, à partir de la pratique du yoga et de cures ayurvédiques. Ils lui étaient reconnaissants à vie. A la fin de chaque pratique, il proposait des tasses de chaï indien que les hippies se mirent à appeler « Le Thé du Yogi ».
Comment a-t-il été commercialisé ?
En 1970, un couple d’Américains en quête d’un changement de vie tombe sur un ashram des élèves de Yogi Bhajan et s’avère conquis par la pratique. Yogi Bhajan les forme pour devenir professeurs, comme il le fait alors avec tous ses élèves, et les incite à se rendre en Allemagne, pays qui a selon lui besoin de retrouver l’accès à sa conscience polluée par la culpabilité de la guerre… Ils arrivent donc en Allemagne en 1971 et ouvrent des restaurants végétariens à Amsterdam, Copenhague et Hambourg, dans lesquels ils servent le Yogi Tea. Les clients pouvaient repartir chez eux avec un sac en kraft rempli du mélange d’épices. Puis, les gens se sont mis à venir au restaurant uniquement pour acheter le mélange, qu’on leur vendait juste broyé. C’est devenu un business. Sous cette forme, il a ensuite été revendu en Europe par les centres de kundalini yoga. Juriste à l’époque, je faisais partie de la fédération française de kundalini. Un jour, on s’est dit que ce serait plus simple de créer une société pour gérer les (maigres !) bénéfices de cette vente, et c’est comme ça que j’ai créé la filiale française de « Golden Temple », société qui commercialise le produit.
Peut-on expliquer le sens de « Golden Temple » ?
Il s’agit de l’édifice sacré des Sikhs. Le sikhisme est la religion de Yogi Bhajan, c’est également la mienne. Ce n’est pas une religion du renoncement : les Sikhs mènent une vie de famille, n’ont aucun problème avec les questions d’argent ni de pouvoir. Mais ils sont toujours végétariens. Parce que Yogi Bhajan était Sikh et que c’est lui qui a popularisé la pratique du kundalini yoga, yoga et sikhisme sont souvent associés. Mais le yoga est déconnecté de la religion, il appelle simplement à une forme de spiritualité.
Le yoga
Le yoga est très présent sur les emballages de Yogi Tea et dans son histoire. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le yoga kundalini ?
Le terme désigne l’énergie que l’on fait monter du sacrum vers le haut du corps. C’est un yoga qui vise à l’éveil de la conscience de soi par la maîtrise de cette énergie. En Inde, il est considéré comme une pratique très puissante, il exige une grosse discipline. J’ai moi-même vécu la vie de yogi pendant 7 ans, de 33 à 40 ans : je me levais tous les matins à 4h pour enchainer 2h30 de prière, yoga et méditation…
En Inde, la pratique du yoga est-elle aussi quotidienne que la consommation de chaï ?
Les Indiens ne font pas de yoga. La société indienne est totalement réglée par le système des castes et seuls les yogi pratiquent. Ils sont très peu nombreux ; ce sont des gens qui travaillent sur leur corps physique pour contrôler leur mental et transmettent leur pratique de maître à disciple. Ils donnent des spectacles de souplesse devant les maharadjas… C’est la vague hippie de l’époque Woodstock qui a amené le yoga en Occident. Les hippies fuyaient la société occidentale et venaient chercher de la spiritualité en Inde. A l’époque, j’étais gamin et je vivais à Ceylan où mon père était ingénieur. Je voyais les hippies pratiquer sur les plages… Puis, le yoga est passé en Occident. Et depuis dix ans, ça explose de partout !
Vous êtes vous-même professeur de yoga. Comment expliquez-vous cette popularité ?
Les gens ont besoin du yoga pour fuir la société de l’information. C’est déjà difficile de gérer ses émotions et ses projections en temps normal, mais quand on est connecté et sollicité toute la journée par des mails, des SMS, des alertes en tous genres, on est sans cesse sur le qui-vive et on explose au niveau du mental. Le besoin de trouver la paix devient viscéral. Or le yoga permet le contrôle du mental par le corps physique. On observe depuis quelques années une grosse vague de pratique du trail, de la course, de la montagne… Quand on court, on rentre dans une régularité au niveau du souffle qui amène une stabilité du corps physique et une forme de paix mentale. On peut courir en montant de manière régulière jusqu’à un sommet où règne le silence. En se promenant en montagne, on prend du « prana », le principe vital du souffle. Ceux qui ne peuvent pas aller en montagne vont en salle et font du yoga. On obtient le même effet.
Le Yogi Tea
Revenons-en au Yogi Tea ! De quoi se compose-t-il ?
En Inde, le chaï de tous les jours est composé de 5 épices (cannelle, poivre, cardamome, gingembre et clou de girofle), de thé noir, de lait et de sucre. On fait chauffer le thé dans le lait sans faire bouillir pour éviter les débordements, en revanche on fait longtemps bouillir les épices dans de l’eau pour avoir du goût, puis on mélange le tout. Ça, c’est le chaï du quotidien. A côté, il y a le chaï médicinal ayurvédique dans lequel on joue sur les proportions d’épices pour obtenir les effets désirés, selon le feu à activer. La recette du Yogi Tea est formulée sans thé noir, selon les principes ayurvédiques.
Le feu…?
C’est l’un des 5 éléments de l’ayurvéda. L’ayurvéda est une science très ancienne qui repose sur 5 éléments : l’éther, l’air, le feu, la terre et l’eau. Du dosage de ces éléments émergent trois constitutions (« doshas ») : Vata, Pitta et Kapha. Aujourd’hui, on trouve des tableaux ayurvédiques dans Télé 7 Jours qui nous aident à nous situer, mais en réalité seule la mesure des pouls permet de définir une constitution ! Chacun a des maladies propres à sa constitution, que l’ayurvéda soigne par le tube digestif. Chacun est invité à se nourrir des 6 saveurs (« rassas » : doux, acide, salé, piquant, amer ou astringent) dans un ordre défini, en terminant par le piquant pour stopper la faim. C’est un mode de vie holistique dont le yoga et les massages font partie.
A côté du Yogi Tea « classic », vous proposez toute une gamme d’infusions ayurvédiques. Passons-les rapidement en revue. Digestion, c’est la tisane après-repas ?
Non, ce n’est pas une infusion qui aide à assimiler un repas copieux. A base de cardamome, elle diminue le feu, elle va donc aider les gros bosseurs à calmer le rythme et éviter les ulcères d’estomac…
Joie de vivre ?
Elle contient du basilic, très euphorisant, et porte bien son nom.
Respiration ?
Elle est à base d’eucalyptus. Elle lutte contre l’excès de Vata, augmente le feu, aide contre les allergies.
Bonne nuit, ça aide à s’endormir ?
C’est surtout pour les gens qui s’endorment facilement mais se réveillent vers 1 ou 2 heure du matin. A cette heure-là, c’est le foie qui travaille et qui tient éveillé. L’infusion Bonne Nuit a donc une action sur le méridien du foie.
Equilibre féminin ?
On a reçu une quantité de lettres de jeunes femmes qui ont retrouvé un cycle normal grâce à cette infusion. Elle est extrêmement efficace.
Bio-gi Tea
Le Yogi Tea a-t-il toujours été bio ?
Au départ, nous commercialisions uniquement la recette « Classic », le mélange d’épices de base (sans thé noir) à faire en décoction, puis nous avons fait le mélange Himalaya, dans lequel le fenouil remplace le poivre noir, pour les femmes qui allaitent. A l’époque, on ne parlait pas encore de « produit bio », mais le Yogi Tea était très bio : on allait sur les épices les plus naturelles possible, que l’on faisait certifier par un organisme suisse, l’IMO. On parlait alors de « produit naturel ». En Inde, l’usage de pesticides était monnaie courante, on a mis en place un programme de plantations bio en Indonésie, appelé « Forest Trade ». C’était du commerce équitable avant l’heure… C’est aussi cette quête de pureté qui a fait la légende de Yogi Tea.
Dans les années 90, vous avez commencé à commercialiser les infusettes. On n’est plus du tout dans la décoction… Ça fonctionne quand même ?
Le poivre, la cannelle et la girofle, c’est comme des bouts de bois : il faut les faire bouillir longtemps pour en sortir quelque chose ! Les consommateurs voulaient quelque chose de simple et rapide, on a donc fait notre possible pour proposer de bonnes infusettes. Mais broyer les épices ne suffisait pas, cela ne donnait aucun goût. On a donc préparé nous-mêmes des extraits d’épices. Mais pour quelques gouttes d’extrait de cannelle, il fallait presser un container entier de bâtons, c’était invraisemblable ! On a donc eu recours à des extraits d’épices qui n’existaient pas en bio. On s’est fait taper sur les doigts : nos produits ont été virés de Satoriz pendant quelques années ! Puis, quand les extraits bio sont arrivés, on a été les premiers les utiliser. Aujourd’hui, nos produits sont de nouveau vendus chez Sato car 100% bio.
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