Refuser le jetable, réutiliser des objets lavables, upcycler ses chaussettes usagées pour en faire des éponges grattantes… Vue de l’extérieur, l’approche « zéro déchet » (ZD pour les intimes) peut sembler pour le moins chronophage, compliquée, voire tirée par les cheveux.
Pourtant, le principe est simple : pour arrêter de jeter, il faut réutiliser. C’est quand on met le pied dedans que ça se complique. Car le ZD implique de changer si ce n’est de cerveau, au moins certaines habitudes. Récupérer de vieilles serviettes et torchons pour coudre des lavettes, ne pas savoir où les mettre, les laver, les regarder boulocher, devenir grisâtres, ne plus rien absorber… De quoi jeter l’éponge lavable avec l’eau du bain – désormais annuel. Et racheter des éponges jetables et de l’essuie-tout en se disant qu’on a raté si ce n’est sa vie, au moins sa conversion au zéro déchet.
Pourtant, opter pour le ménage et l’hygiène en mode zéro déchet, c’est possible ! Emma Lamassiaude, fondatrice de la marque Les Tendances d’Emma, nous explique comment. Pour cette cheffe d’entreprise et mère de trois enfants, hors de question de retourner à l’âge de pierre pour faire entrer le ZD dans notre quotidien.
D’où vous est venue l’idée de fabriquer des carrés en coton lavable ?
J’ai commencé à avoir envie de bien faire à la naissance de mon deuxième enfant. Je me suis lancée dans l’aventure des couches lavables. Cela semblait simple : des couches classiques, mais lavables ! Or cela demande un énorme effort d’adaptation, insurmontable en ce qui me concernait. À l’époque infirmière en réa, en alternance jour/nuit, avec une nounou qui ne voulait pas en entendre parler, je voyais bien l’intérêt pour la planète, mais pas du tout comment intégrer cela à ma vie. J’étais très en colère ! J’ai donc opté pour quelque chose de plus accessible : remplacer les carrés et lingettes de coton jetables par leur équivalent en tissu, et commercialiser ledit équivalent.
Satoriz les propose depuis 2011, et ça fonctionne !
Cela fonctionne parce que contrairement aux carrés confectionnés – avec beaucoup d’amour – par notre belle-sœur, nos carrés restent très doux même après de nombreux lavages. Nous les proposons dans un kit complet (Éco Belle) avec boîte de stockage et sac de lavage qui permet de ne rien changer à ses habitudes. Et surtout, c’est efficace : ces carrés nettoient vraiment et ressortent propres d’un lavage à 40 °C à la machine à laver. On les met avec le reste du linge, tout simplement*. On a fait un petit sondage : 76 % des personnes interrogées sont allées plus loin dans le ZD grâce à ce kit.
*Le conseil d’Emma : un vrai décrassage tous les six mois. On laisse tremper les carrés toute une nuit dans un mélange de cristaux de soude, bicarbonate et vinaigre blanc, puis on procède à un double rinçage à 60 °C.
Or la notion de réussite est cruciale dans une démarche de transition…
C’est à mon sens la meilleure méthode : commencer par quelque chose qui fonctionne sans bouleverser radicalement nos habitudes. En alimentaire, c’est simple : on remplace une tomate non bio par une tomate bio, et le tour est joué. Cela ne change rien dans l’assiette. On peut ensuite aller plus loin en remplaçant la viande par des protéines végétales, et il faut alors réfléchir et cuisiner différemment. C’est tout une démarche, mais l’idée essentielle est de mettre le pied à l’étrier et d’être convaincu de son intérêt.
Après la salle de bains, vous avez choisi de nous accompagner dans le ménage…
On peut arrêter de se maquiller, mais il faudra toujours faire le ménage ! Nous avons développé plusieurs produits essentiels :
– des carrés essuie-tout lavables
– le Brill’tout pour nettoyer les vitres avec de l’eau uniquement. Un tissu bleu pour laver, un jaune pour sécher.
– le Clair et net pour nettoyer tous les écrans et les lunettes. Plus efficace qu’une lingette en microfibres, toujours fabriquée à l’autre bout du monde.
Comment faites-vous le choix de vos matériaux ?
On fait toujours un arbitrage entre produit écologique et produit efficace. Si un matériau 100 % écologique n’est pas efficace, les gens vont lâcher l’affaire. On préfère opter pour un matériau moins écologique, mais très efficace et durable. Par exemple, nos carrés essuie-tout sont composés de 90 % de viscose de bambou et 10 % de polyester, non recyclables. Cela donne une matière bactériostatique quatre fois plus absorbante que le coton. Mais nous proposons aussi l’alternative coton pour les personnes qui sont opposées aux fibres synthétiques. La fabrication du coton bio ne requiert aucun solvant, mais beaucoup d’eau… Chacun peut faire son choix.
Et heureusement, on progresse côté matériaux…
Le Brill’Tout et le Clair et net sont 100 % polyester, une matière issue du pétrole. Mais ce polyester est transformé en tissu grâce à un processus qui permet d’utiliser uniquement de l’eau pulsée en circuit fermé. Sa conception, sa production et son impression sont françaises.
Vous avez été récompensée par une médaille de chevalier national de l’ordre du mérite en 2021… Bravo !
C’est une très belle récompense pour le travail accompli. Mais la plus belle, c’est que chacun s’y mette ! Un kit, c’est l’équivalent de 4 500 à 6 000 produits jetables, donc un impact aussi essentiel pour la planète que nos produits sur votre quotidien.