Sur Terre depuis des milliers d’années, les algues seraient à l’origine de la végétation terrestre, mais aussi de l’évolution de l’être humain. Nos ancêtres les utilisaient pour se nourrir et se soigner, mais aussi comme fertilisants, matériaux de construction, monnaie d’échange… Dans les populations qui bordent l’océan Pacifique, et notamment en Asie, on les consomme quotidiennement. En France, le courant macrobiotique a tenté de les faire connaitre dans les années 1950, mais leur consommation est restée très confidentielle. Elle prend cependant son essor depuis quelques années, à la faveur de l’élan donné par la cuisine végétale et la transition écologique. Et devinez quoi ? C’est bon !
Bonnes pour le monde
Il existe plus de 12 000 espèces d’algues, le plus souvent comestibles. Elles sont particulièrement importantes pour l’équilibre de notre écosystème. Elles produisent plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons et stockent le CO2. Elles nourrissent la faune marine et préservent l’équilibre du milieu marin.
Les algues poussent spontanément, sans racine, cramponnées à leur élément. Aucun pesticide ni fertilisant n’est nécessaire pour les faire pousser – uniquement de la lumière naturelle et de l’eau salée. On les récolte sur l’estran à des périodes encadrées pour permettre une gestion durable des ressources. On peut également les cultiver dans des bassins d’eau de mer. Les algues constituent une solution alternative pour la production d’énergie, la filtration de l’eau, la fertilisation en agriculture, etc.
Note : les salicornes ne sont pas algues ! Elles ont des racines, pas de crampon.
Les algues sont riches en oligoéléments et minéraux. Les algues rouges sont particulièrement riches en fer, les vertes en chlorophylle et les brunes en iode. Mais il ne suffit pas de savoir cela pour en tirer parti…
Algues et nutrition
Questions à Marie-Dominique Plan, fondatrice de Marinoë
Lorsque l’on mange des algues, absorbe-t-on forcément des minéraux et oligoéléments ?
Pas forcément, car les algues possèdent une paroi cellulaire mucilagineuse que nous ne sommes pas capables de digérer. Nous ne sommes pas des bigorneaux ! À force de consommer des algues depuis des millénaires, les Japonais ont développé une enzyme leur permettant de tirer parti de la plupart des algues, mais ce n’est pas le cas des Occidentaux. Or c’est une gageure, car ces minéraux sont de véritables catalyseurs permettant de bien assimiler l’ensemble des nutriments, et notamment les protéines.
Comment faire pour dégrader cette paroi cellulaire ?
En conservant les algues au sel ou en les faisant lactofermenter, on rend ces précieux minéraux assimilables et on enrichit notre microbiote. Par exemple, dans notre tartare d’algues, nous utilisons toujours du haricot de mer lactofermenté. C’est notre spécificité !
Certaines algues sont-elles plus assimilables que d’autres ?
Plus leur texture est fine, plus elles sont faciles à dégrader par notre organisme. Dans la plupart des mélanges, on a une synergie idéale de trois algues, deux rouges et une verte, qui peuvent se glisser dans tous les plats à la manière d’herbes de Provence.
Quels autres « services santé » nous rendent-elles ?
Ajouter une algue laminaire, comme la kombu, à l’eau de cuisson des légumineuses permet d’attendrir ces dernières et de mieux assimiler leurs protéines. Les laminaires apportent de l’iode, dont l’alimentation française est généralement dépourvue. Elles amènent également la saveur umami, dite « saveur de la joie », celle du ventre maternel ! Associer kombu et miso dans un bouillon permet de retrouver cette saveur tout en faisant le plein d’oligoéléments.
Vous faites souvent référence au Japon, où on consomme les algues depuis toujours. Quelles idées peut-on mettre à profit chez nous ?
L’été, lorsqu’il fait très chaud, les Japonais mettent un tout petit morceau d’algue kombu dans une carafe d’eau citronnée. Cela donne une boisson riche en oligoéléments et minéraux, et de ce fait très hydratante. Hors saison estivale, c’est une bonne idée pour faire une cure d’oligoéléments en période de fatigue.
Des algues bios ?
Depuis 2009, un règlement européen prévoit la possibilité de produire et récolter des algues sous le label bio. Pour être un récoltant d’algues bios, il faut détenir une autorisation administrative délivrée par la direction départementale des territoires et de la mer et signer un contrat avec l’un des organismes certificateurs français agréés. Le récoltant doit également respecter la réglementation en vigueur qui fixe les zones de récolte autorisées (zones Natura 2000, où la qualité de l’eau est très favorable), les conditions et les périodes de récolte.
La certification « Agriculture Biologique » garantit une récolte au moyen d’un couteau et non un arrachage. La majeure partie de ces algues sont récoltées en Bretagne par des pêcheurs à pied labellisés. Un sacré métier, que la « Loi Littoral » de 1986 a officialisé. Jusque-là, les algues étaient au « premier arrivé, premier servi », avec pour conséquence un véritable pillage des ressources sauvages dans certaines zones. Cueillir des algues à pleine maturité, avant le passage des tempêtes et en respectant leur saisonnalité, constitue le défi du pêcheur à pied. Son travail s’organise en fonction des grandes marées, au moment de la pleine lune et de la lune noire. À marée basse, la Bretagne se transforme en champ d’algues géant… La récolte s’échelonne principalement de février (avec les algues brunes, comme le kombu royal) à mai (pour les haricots de mer, dulse et nori), une seconde récolte pouvant avoir lieu à l’automne.
Les algues disponibles chez Satoriz sont toujours cultivées ou récoltées dans une eau de mer préservée. Dès la cueillette, elles sont rincées à l’eau de mer pour éliminer le sable et les petits crustacés, puis conditionnées.
Virée chez Marinoë
Marinoë est une entreprise « maraîchère de la mer » installée sur le petit port de Lesconil (Finistère Sud) depuis 1992. C’est d’ailleurs le père de la fondatrice, Marie-Dominique Plan, qui a inventé le terme « haricot de mer » quelques années plus tôt ! Marinoë cultive et récolte des algues bretonnes afin de proposer une alternative aux algues importées d’Asie, et s’efforce de mieux les faire connaître. Le tartare d’algues et les saupoudrages prêts à l’emploi lui ont permis de faire adhérer les consommateurs petit à petit.
Depuis 5 ans, Marinoë met en œuvre de nouveaux projets de culture pour réagir face au réchauffement climatique. La température de l’eau montant, les algues vont de plus en plus vers le nord. Les pics de luminosité et l’acidification de l’eau rendent les algues inconsommables… Il est temps de se remettre à cultiver des algues à terre, dans des bassins d’eau de mer. Marinoë choisit de petites variétés à la croissance rapide, permettant plusieurs récoltes par an. Elle étudie attentivement celles qui ont une paroi ultrafine, les plus nourrissantes par l’être humain. Outre la déshydratation et le salage, son procédé de lactofermentation exclusif rend les oligoéléments et minéraux des algues encore plus assimilables par notre organisme.
Zoom sur le tartare d’algues
Il s’agit d’un mélange d’algues fraîches émincées puis assaisonnées avec huile d’olive, cornichons, câpres, ail, échalotes et autres aromates selon la recette. Ça se tartine, ça se mélange, ça croque et ça fond dans la bouche. C’est marin et terrestre à la fois, avec un goût iodé assorti de saveurs connues et franches apportées par les cornichons et les huiles végétales. Un régal en tartines avec du fromage de chèvre frais, il est également délicieux simplement mélangé à des pâtes. On peut le délayer avec de l’huile ou du yaourt pour en faire une délicieuse sauce salade marine.
En direct de Bord-à-Bord
Un bon tiers des algues de Bord à Bord, transformateur d’algues bios basé à Roscoff (Finistère Nord), proviennent de bassins de culture à terre ou en pleine mer. Cela concerne notamment les moins disponibles localement, comme le wakamé ou la laitue de mer. Ces cultures, principalement bretonnes, permettent de ne pas épuiser les ressources maritimes locales : un enjeu d’importance, car un champ d’algues ne se renouvèle chaque année que s’il est bien géré.
Aussitôt après la cueillette, les algues sont lavées à l’eau de mer pour en retirer le sable, les coquillages et les cailloux. Si les algues étaient lavées à l’eau douce, elles perdraient saveur, couleur et texture – d’où l’enjeu pour les entreprises qui les commercialisent d’avoir des locaux au plus proche de l’océan. Après ce rinçage, on met en œuvre deux procédés distincts : déshydratation à basse température (35 – 40 °C) pour certaines algues, salage pour celles qui sont vendues fraîches. Le salage attendrit les algues et affine leur saveur, tandis que la déshydratation préserve au mieux leurs arômes. Les deux méthodes permettent de conserver les qualités nutritionnelles des algues.
Aujourd’hui, l’entreprise bretonne lance un nouveau tartinable : le GWAK! Fan de l’association guacamole + tartare d’algues, l’équipe de Bord à Bord a longuement cherché de l’avocat dans la jungle bretonne… sans succès. Elle s’est alors lancé le défi de préparer des guacamoles avec des carottes, patates douces et petits pois poussant sous nos latitudes. Les GWAK! contiennent du haricot (également appelé spaghetti) de mer, facile à récolter en mer juste en face de l’atelier. On les consomme exactement comme du guacamole, avec ou sans tortilla.